Korean rapsodie
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le 29 août 2016
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J'avoue que j'étais au début réticent et peu convaincu du potentiel que pouvait avoir ce film. J'ai donc dû faire confiance en mon amour suprême pour le cinéma asiatique afin de trouver la force d'aller voir ce qui s'est révélé être un petit bijou.
A l'image de Mad Max : Fury Road, dernier block-buster de qualité en date, Dernier Train pour Busan s'est avéré être pour moi une véritable surprise. Ces deux derniers long métrages ont réussit avec habileté et intelligence à faire du neuf avec du vieux, et du neuf de qualité (a contrario de remakes abusifs et privés d'inventivité tels que Jurassic Wold, ou bien Man Of Steel entre autres). On assiste alors à une refonte, ou du moins une utilisation nouvelle, des lieux communs habituels de ce genre qu'est le film catastrophe ou film de zombie surexploité et bien corrodé depuis longtemps. Je ne parle pas de la tentative foireuse et vomitive du ridicule Warm Bodies qui se targuait avec prétention de renouveler le genre bien sûr.
Le fabuleux film de Na Hong-jin, The Strangers, essayait aussi cette année d'aborder ce sujet, à une échelle certes plus réduite et moins grand publique, mais surtout sans en faire le postulat de base de son scénario. Mais la force de Dernier Train pour Busan réside dans le fait d'en baser justement les fondements même de sa trame narrative. Une contamination biochimique, des zombies et des survivants. Tout en construisant son film à partir de développements scénaristiques inhérent à ce genre de film de série B et surtout de personnages stéréotypés à souhait mais à la psychologie étonnement bien construite, Yeon Sang-Ho nous livre une première oeuvre rafraîchissante et maîtrisée de bout en bout. On a même l'impression de voir le réalisateur s'amuser avec ces clichés, les modeler à sa vision et selon ses envies. Contrairement à un block-buster lambda où le sujet est maître et où le réalisateur - souvent peu inspiré - se laisse submerger par les codes instaurés du genre, on sent ici un réalisateur maître de son oeuvre jouant avec les clichés qu'il semble s'approprier avec aisance. Le dosage y est pour beaucoup. Malgré la surenchère volontaire et inévitable de certaines séquences de poursuite zombies-aux-trousses, la mise en scène reste sobre et ne tombe jamais dans le too much. La tension est gérée dès le départ avec maestria et nous tient jusqu'au final ô combien larmoyant, sans jamais perdre le fil ni s'embrouiller. Le réalisateur en plus d'être maître absolu de son oeuvre, semble aussi conscient des limites qu'imposent un tel registre cinématographique et réussit à ne jamais les outrepasser. Le contraste de la mise en scène entre retenu et exubérance est fulgurant d'ingéniosité. La tonalité même du film oscillant entre des scènes d'un sérieux extrême et d'autre plus légères voire comiques est surprenante. Le tout en gardant une certaine cohérence globale.
Malgré ces variations de ton ponctuelles le métrage ne perd à aucun moments de vue ce qui régit l'entièreté de son atmosphère : l'angoisse claustrophobique. Celle-ci réside dans cette formidable idée qu'est l'espace clos du train, à la fois sauveur et berceau de la menace, il oppresse et enferme les bêtes les unes avec les autres. De simples recoins de wagon ou sas se transforment en refuges ou même en pièges. Le cinéaste maîtrise l'espace de sa narration et l'explore en long en large et en travers, du sol aux portes bagages, éclairé comme dans l'obscurité et cela donne lieu à une mise en scène d'une inventivité inouïe.
L'intelligence du film réside également dans sa profondeur. Sous ses apparats de film catastrophe recyclé, il est d'avantage profond que ce qu'il n'y paraît. Les enjeux et les sous textes sont nombreux et intelligemment traités pour pouvoir vivre au travers d'un film de genre. C'est personnellement la première fois que j'ai affaire à un film politico-social de zombie. A mon sens Dernier train pour busan brille là où Bong Joon-ho avait échoué dans son expérience hollywoodienne du Snowpiercer, c'est à dire à traiter avec subtilité la symbolique du discours et ses personnages. Ce dernier tombait dans la facilité et le manichéisme malgré nombres de qualité. Ici le traitement des personnages bien qu'évident reste bien géré, les enjeux sont vite posés de façon simple et claire. On regrettera néanmoins le traitement psychologique trop en surface du personnage de la petite Su-an, censé être l'épicentre des enjeux du héros, ainsi qu'une utilisation trop appuyée du sacrifice chez les personnages, utilisé quand même à trois reprises!
Cependant, l'habileté du scénario fait en sorte qu'à certains moments la notion de zombie ne serve plus que de toile de fond pour les querelles des passagers non contaminés du train. Ainsi avec sa pléiade de personnages brillamment stéréotypés, le réalisateur recrée un microcosme signifiant, une société coréenne à échelle réduite où y sont développés des thèmes comme la manipulation de foule par un leader lâche et individualiste, la responsabilité de l'homme dans l'effondrement du monde, une quête de reconstruction familiale, une histoire d'amour adolescente, une remise en question de l'humanité même, etc. Tout ceci permet donc au scénario de ne pas se cantonner à une simple lutte survivants/zombie mais de sous tendre de réelles réflexions. Dans sa construction globale il n'est à aucun moment redondant et propose à chaque instant un développement, certes des fois attendu, mais toujours juste, captivant et intense.
Le cinéma sud-coréen est éblouissant. Il excelle en s'appropriant et remaniant des codes pourtant si entachés par de nombreuses bouses maintenant habituelles. Il propose une bouffée d'air frais dans le cinéma grand publique contemporain très peu convaincant. Une surprise magistrale et ingénieuse qu'a donc été ce Dernier Train pour Busan et sûrement un des meilleurs films vu cette année en salle.
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Créée
le 3 sept. 2016
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