The Mauritanian — un peu comme tout le monde je refuse son titre français trop explicite et racoleur qui fait penser à un téléfilm de l’après-midi— est un film important pour rappeler, alors que Guantánamo est toujours ouvert, comment une nation qui se targue d’être le chantre de la démocratie et de la justice peut tout oublier dans son désir de vengeance et de performance. Le film adapte le livre de Mohamedou Ould Slahi, enfermé 14 ans sans réels chefs d’accusation, et parle à la fois de son calvaire et de sa lente bataille pour sa libération. De l’autre côté du grillage, le film traite le volet judiciaire, entre une administration opaque et sentimentale, soumise aux pressions politique et populaire.


Si le sujet est passionnant et même essentiel d’un point de vue civique et mémoriel, Kevin Macdonald en tire une adaptation assez fade, qui accumule les facilités scénaristiques et avance avec de gros sabots. Ainsi on gardera les révélations de torture (pourtant connus de tous et surement des avocats dès le début) le plus tard possible afin de maximiser l’impact sur le spectateur ; mais également pour justifier l’engagement des avocats auprès de cet homme, ce qui est assez paradoxal pour un film qui cherche à défendre l’habeas corpus.


Caché derrière le cachet « histoire vraie », le film vire rapidement au pathos et enchaîne les clichés comme l’avocate qui préfère sa dinde de Noël à son étiquette de « traître à la nation » mais qui reviendra à la fin ou ce lieutenant qui finit par refuser de poursuivre cette mascarade (ce qui n’empêche pas ces évènements de s’être produits, mais leur confère un caractère artificiel).


The Mauritanian ne fait pas non plus le boulot jusqu’au bout, concentrant sa charge sur le gouvernement Bush, certes instigateur, mais masquant toute responsabilité du gouvernement Obama, qui pourtant n’aura pas fermé la prison en deux mandats. Le film se termine par une ordonnance de libération de Slahi, aucune charge n’ayant pu être retenue, et la poursuite de son incarcération pendant 7 années supplémentaires, uniquement indiqué par un carton en fin de film, avant de sauter directement sur des images de sa libération. Il est plus facile pour le film de choisir ses boucs émissaires loin dans le passé plutôt que de s’en prendre à tout l’institution américaine, y compris actuelle, ce qui est très complaisant — comme si l’ordre et la justice avait été rétablis.


Si le film garde un intérêt c’est également pour la superbe interprétation de Tahar Rahim, qui irradie de sa présence, de son sourire et de son charisme un film autrement bien lisse. Les autres acteurs ne sont pas mauvais, loin de là, mais livrent des performances plus classiques, bien loin derrière lui.

AlicePerron1
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le 23 août 2021

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Alice Perron

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