Cheap the faith
Il faut bien l’admettre : un certain nombre de films, en adaptant des succès de librairie, nous dispensent de lire des livres. On se rattrape ainsi, en deux heures et quelques, de ce qui s’est fait...
le 2 août 2021
21 j'aime
2
The Mauritanian — un peu comme tout le monde je refuse son titre français trop explicite et racoleur qui fait penser à un téléfilm de l’après-midi— est un film important pour rappeler, alors que Guantánamo est toujours ouvert, comment une nation qui se targue d’être le chantre de la démocratie et de la justice peut tout oublier dans son désir de vengeance et de performance. Le film adapte le livre de Mohamedou Ould Slahi, enfermé 14 ans sans réels chefs d’accusation, et parle à la fois de son calvaire et de sa lente bataille pour sa libération. De l’autre côté du grillage, le film traite le volet judiciaire, entre une administration opaque et sentimentale, soumise aux pressions politique et populaire.
Si le sujet est passionnant et même essentiel d’un point de vue civique et mémoriel, Kevin Macdonald en tire une adaptation assez fade, qui accumule les facilités scénaristiques et avance avec de gros sabots. Ainsi on gardera les révélations de torture (pourtant connus de tous et surement des avocats dès le début) le plus tard possible afin de maximiser l’impact sur le spectateur ; mais également pour justifier l’engagement des avocats auprès de cet homme, ce qui est assez paradoxal pour un film qui cherche à défendre l’habeas corpus.
Caché derrière le cachet « histoire vraie », le film vire rapidement au pathos et enchaîne les clichés comme l’avocate qui préfère sa dinde de Noël à son étiquette de « traître à la nation » mais qui reviendra à la fin ou ce lieutenant qui finit par refuser de poursuivre cette mascarade (ce qui n’empêche pas ces évènements de s’être produits, mais leur confère un caractère artificiel).
The Mauritanian ne fait pas non plus le boulot jusqu’au bout, concentrant sa charge sur le gouvernement Bush, certes instigateur, mais masquant toute responsabilité du gouvernement Obama, qui pourtant n’aura pas fermé la prison en deux mandats. Le film se termine par une ordonnance de libération de Slahi, aucune charge n’ayant pu être retenue, et la poursuite de son incarcération pendant 7 années supplémentaires, uniquement indiqué par un carton en fin de film, avant de sauter directement sur des images de sa libération. Il est plus facile pour le film de choisir ses boucs émissaires loin dans le passé plutôt que de s’en prendre à tout l’institution américaine, y compris actuelle, ce qui est très complaisant — comme si l’ordre et la justice avait été rétablis.
Si le film garde un intérêt c’est également pour la superbe interprétation de Tahar Rahim, qui irradie de sa présence, de son sourire et de son charisme un film autrement bien lisse. Les autres acteurs ne sont pas mauvais, loin de là, mais livrent des performances plus classiques, bien loin derrière lui.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films de 2021 et Films vus avec le CS Cinema Club - 2021
Créée
le 23 août 2021
Critique lue 94 fois
D'autres avis sur Désigné coupable
Il faut bien l’admettre : un certain nombre de films, en adaptant des succès de librairie, nous dispensent de lire des livres. On se rattrape ainsi, en deux heures et quelques, de ce qui s’est fait...
le 2 août 2021
21 j'aime
2
En 2001, quelques semaines seulement après le drame du 11 septembre, la sinistre équipe Bush – Rumsfeld (qui vient de mourir tranquillement dans son lit sans avoir jamais été inquiété pour ses...
Par
le 18 juil. 2021
19 j'aime
3
L’intelligence de The Mauritanian tient essentiellement à l’approche de Mohamedou Ould Slahi comme d’un témoin détenteur d’une vérité humaine, faisant de lui le moyeu autour duquel gravitent les...
le 2 juil. 2021
15 j'aime
6
Du même critique
La bonne épouse est pour moi un résultat vraiment décevant. La bande-annonce promet une comédie qui tire vers la satire, le sujet du film étant les écoles ménagères dans les années 60, juste avant...
Par
le 10 juil. 2020
14 j'aime
1
Je ne connaissais pas le manga original, mais j'avais beaucoup apprécié Monster et 20th Century Boys, et la note de 8 à l'époque sur senscritique avait éveillé ma curiosité. Pluto nous plonge dans un...
Par
le 4 déc. 2023
12 j'aime
7
Que ce film a vieilli alors qu’il date pourtant de 2000. Oui je l’ai vu à sa sortie, et j’avais ri, j’étais bien plus jeune. Je le revois aujourd’hui et c’est plutôt ennui et maladresses. J’essaie de...
Par
le 4 oct. 2020
9 j'aime