Il y a eu un buzz si fort en début d’année que j’ai préféré attendre un peu avant de réunir mes impressions sur Don’t Look Up. Le film est un drame satirique mettant en scène les inepties du système de classes capitaliste, métaphore à peine voilée du changement climatique ou de la récente pandémie. Malgré l’imminence de l’extinction de l’humanité dû à l’écrasement d’une météorite sur Terre, les pouvoirs en place préfèrent le déni et la préservation jusqu’au-boutiste de leurs intérêts.
Porté par une galerie d’acteurs engagés et bankable —même si parfois plus atouts marketing que réel intérêt scénaristique, Don’t Look Up est fluide et dynamique. Le film joue clairement ses ressorts comiques sur sa proximité voire sa réplique d’anecdotes et faits réels, et souligne que l’absurdité et la caricature font déjà partie de notre quotidien. L’intégration du cirque médiatique et du star system ne font qu’enrichir la portée du film qui ne limite pas son étrillage en règle au monde politique. Dommage que le film soit trop dans un entre-deux, entre un réalisme crédible et dramatique et une caricature cocasse mais sans surprise — en effet comment caricaturer ce qui est déjà excessif, que ce soit des Trump, des Fox News ou des milliardaires de la tech. On a connu Adam McKay plus cinglant et drôle avec The Big Short, où il pouvait encore pousser le cynisme d’un cran.
Au-delà d'une critique sur notre manque de réponse face aux enjeux climatique le film est une critique du système capitaliste vorace, d’une société du divertissement et des médias abrutissante et d’une élite au pouvoir toujours aussi décadente, plus attachée à son statut et à sa richesse qu’à l'avenir du monde. Le film postule d’ailleurs que nous serions capables des bonnes décisions lorsque nous avons accès aux bonnes informations. Décisions souvent annulées au bénéfice du profit économique par une classe dominante qui se permet tout : dénigrement scientifique, disqualification de la parole rationnelle, populisme, mensonges… Ici aussi les parallèles avec la gestion de la pandémie ou celle du changement climatique sont évidentes, on peut même dire surlignés au marqueur jaune.
J’ai quelques points de frictions. Si je conçois que le public cible d’Adam McKay est avant tout Etats-Uniens, pour un film sur l’humanité il est pour moi trop américano-centré. Un regard critique sur la coopération internationale, ou plutôt son échec quand on voit les COP s’enchaîner, aurait été à mon sens plus pertinent que les digressions sur la société du spectacle. Et le final appuie trop lourdement sur les valeurs familiales chrétiennes chères à nos voisins outre-Atlantique, ce qui est incongru au vu du reste du film ; d’autant plus que la prière semble être la seule action du film du personnage nihiliste incarné par Chalamet.
On peut regretter qu’il ne soit sorti que sur Netflix, très vite noyé dans un catalogue gigantesque, ce qui limite sa diffusion et sa portée — malgré quelques semaines de relative notoriété et de bruit médiatique. Bien que bancal par certains aspects, Don’t Look Up a le mérite de poser un regard critique sous le format fiction loufoque, et ainsi toucher une cible plus large. Certes moins jouissif et incisif qu’un Docteur Folamour, il pousse davantage la réflexion envers notre propre inaction.