Douze Hommes en Colère est considéré comme l’un des films les plus cultes de l’histoire du cinéma. Après l’avoir vu, je peux attester que cette qualification est tout à fait plausible.
Au vu de la note que j’ai attribué à ce film, vous pourrez en conclure aisément par vous même que je considère qu’il n’a aucun point faible. Selon moi, c’est la perfection. Ce film est un chef d’œuvre, et une révolution dans l’historie du cinéma.
Il aborde un script somme tout assez simpliste, mais c’est ce qui va en faire sa force. En effet, l’historie est sommaire mais prenante. Nous sommes dans les années 50 et douze jurés sont désignés pour rendre leur verdict sur une sombre histoire de meurtre. Le film nous fera part des avis de chacun ainsi que de leur longue délibération sur le sujet. Par sa simplicité, ce film parvient à nous faire passer par toutes les émotions imaginables : on s’énerve lorsque des jurés se braquent, on s’émeut lorsque certains parlent de leurs expériences personnelles, on s’amuse lorsque certains font de l’humour, ou on se sent frustrer lorsque les avis se contredisent. De plus, la manière de relater les faits de l’histoire jugée permet à chacun de se faire sa propre imagination du crime. A vrai dire, j’ai parfois l’impression d’avoir vu des scènes qui n’existent pas, tant l’objectif de ce film est de permettre au spectateur de s’en faire son propre avis et sa propre imagination.
En plus de cela, l’utilisation d’une distribution réduite permet de s’attacher à chaque personnage et de comprendre leurs intentions, ainsi que les causes de leurs choix. Chaque personnage a son rôle bien défini : le meneur (Juré 1), l’intellectuel (Juré 2), le pressé (Juré 7), le comique (Juré 12), le touchant (Juré 9), l’agressif (Juré 3), le contradicteur (Juré 8) et bien d’autres.
Pour ce qui est de l’image, et de la manière de filmer, elle est très importante dans ce film. Tout d’abord, on reste tout le long de la délibération dans la même pièce. Cela nous permet d’en connaître tous les recoins afin de s’en imprégner au maximum. On a l’impression d’être dans la même pièce qu’eux, et de participer, avec eux, à la délibération de ce jugement. De plus, chaque plan est choisi judicieusement. En effet, la caméra nous montre toujours qui parle afin que l’on ne soit pas perdu. Il en va de même pour les éléments primordiaux à l’enquête et à l’historie (couteaux, plan, photo, journal). On bénéficie toujours d’un plan zoomé qui nous fait comprendre que ce sont des éléments importants, à retenir, pour le bon déroulé de l’histoire.
Pour les sons, on ne s’en rend peut-être pas compte au premier abord, mais ils sont nécessaires à cette liberté d’imagination qui est laissé au spectateur. Par exemple, on peut entendre, lors de la discussion, le son du tramway, passant à la fenêtre d’une témoin, et servant de motif à la contradiction de la décision générale. Cet élément permet au spectateur de s’imaginer la scène jugée. Pour ce qui est de la musique, on reste dans la simplicité et l’efficacité. On n’a pas affaire à une utilisation conséquente de la musique, mais lorsqu’elle entre en scène, elle est parfaitement dans le thème. Elle est simple et n’a rien de très marquant, mais ce manque n’est pas un facteur de mauvaise qualité.
Le jeu de chaque acteur est merveilleux. Ils arrivent tous à nous transmettre au mieux les conditions dans lesquelles se passent la délibération. On arrive à comprendre aisément que nous sommes en pleine canicule, que les personnages ont chaud, que certains sont pressés et d’autres agacés. Ces éléments ne pourraient pas être mis plus en évidence sans cette somptueuse interprétation des acteurs. Enfin, je me dois d’accorder une mention spéciale à Henry Fonda, un des plus grands acteurs de l’historie du cinéma, qui joue a merveille son rôle de contradicteur convaincant.
La fin est frustrante. En effet, on s’attend à à savoir ce qu’il s’est vraiment passé lors de ce crime. Le jeune est-il réellement coupable ? Ou tout cela n’est-ce qu’un piège afin de lui faire porter le chapeau d’un crime qu’il n’a pas commis ? C’est là que l’on voit que Sydney Lumet laisse encore soin, au spectateur, de se faire sa propre imagination de la vérité. On peut se faire son propre avis et choisir par soi-même si le résultat de cette délibération n’est qu’une injustice fondée sur des éléments futiles ou si les jurés ont potentiellement sauvé un jeune garçon d’une erreur judiciaire qui lui aurait coûté la peine de mort. De plus, l’interaction entre les personnages d’Henry Fonda et Joseph Sweeney à la sortie du tribunal, rappelle que ces hommes n’auraient peut-être jamais eu l’occasion de ce rencontrer, au vu de leurs vies respectives bien différentes. Cependant, cet événement leur a permis d’en apprendre plus sur les vies d’autrui.
Étant en étude de droit, je vais vous faire part de l’impact qu’a eu ce film dans ma vie, et la morale que j’y voit. Tout d’abord, je pense que ce film cherche à monter que tout le monde peut être défendu, et qu’il ne faut pas se baser uniquement sur des critères sociaux pour juger une personne. Elle traite d’un problème qui est encore trop présent dans notre société : l’inégalité. On voit que les jurés, au début du film, sont prêts à condamner un jeune garçon à mort, sans vraiment chercher à savoir s’il est coupable. Certains se basent uniquement sur ces origines sociales. De plus, ils se quittent à la fin du jugement, et retournent à leurs vies respectives comme si rien ne s’était passé. On voit là toute l’ignorance que peuvent avoir les jurés de leurs décisions. Je pense également que ce film est un très bon film informatif sur la justice américaine. On comprend plus aisément comment se déroule un jugement aux Etats-Unis. Et pour un occidental, comme moi, pour qui cela était encore un peu flou, c’est une fabuleuse manière de le présenter.