Ce film sur le photographe sudafricain Ernest Cole est dans le fil du travail de Raoul Peck, où se détache l’incandescent I Am Not Your Negro sur James Baldwin, avec cette manière « organique » (comme il dit dans des interviews, aussi bien pour son film sur Baldwin que pour celui sur Cole) de construire un film en donnant vie à sa matière – notamment le fait de lire (lui-même, cette fois, contrairement à I Am Not Your Negro) un texte construit à partir des textes de ses personnages et dit à la première personne (sans qu’il y ait de possible confusion sur l’origine exacte du texte, le personnage continuant à parler de lui une fois mort).
Mais, à mes yeux, le film est moins réussi que I Am Not Your Negro, non qu’il soit moins travaillé ni moins intéressant ou impressionnant (notamment par les photos de Cole), mais parce que le personnage mis en scène, Ernest Cole (né en 1940 et mort à New York en 1990, l’année de la libération de Mandela), n'a pas le même souffle. Baldwin capte la lumière sur lui, fascinant le spectateur, mais pour mieux éclairer le monde qu’il décrit, quand Cole s’efface devant le monde qu’il montre, mais le film fait finalement tout tourner autour de lui, à son propre regard, ramené à son mal du pays et à son manque d’amour, comme il le dit lui-même. Du coup, le film est dépressif comme son sujet et la réalité sociale et historique n’est pas, comme chez Baldwin, l’horizon du discours, mais un simple contexte à ce discours…