Le réveil des sens d'une MILF coquine au tempérament visqueux
Toutes des sales vilaines ! Tel est le cri du cœur que Gosha hurle avec Femme dans un enfer d’huile, une dissection méthodique des interactions sociales entre hommes et femmes dans un japon traditionaliste, qui s’émoussent lorsque la passion se mêle aux rigides impératifs imposés par une société restrictive.
De la bouche même de l’une d’entre elles, « les femmes sont des créatures du diable », indignes de confiance, dévorées par un feu intérieur qui s’exprime fougueusement lorsqu’il fusionne jusqu’à devenir incontrôlable. Plus que l’amour véritable, ce qui intéresse Gosha, ce sont les pulsions charnelles qui émoustillent ses personnages, et notamment cette nourrice bien sous tout rapport qui se rend compte des sentiments qu’elle nourrit pour un jeune homme qu’elle a vu devenir homme. Dès lors, la passion prend le dessus, au point de la travestir en l’incarnation de ce qu’elle condamnait vivement en début de film : une harpie manipulatrice qui perd conscience de ses propres valeurs.
Ces pulsions féroces, Gosha les met en exergue par l’intermédiaire d’une caméra qui s’approche des corps au maximum, jusqu’à en capturer les moindres frissons. Mains hésitantes, visages pétris de désir, bustes pris d’assaut par cette chaleur moite qui envahit chaque parcelle de l’écran, tout conduit à ce final insaisissable où les deux protagonistes perdent tout contrôle de leurs sens. L’huile, qui a conditionné jusque là nombre de leurs gestes, les rend finalement vains : les corps ont beau s’agiter pour se dépêtrer d’un sol visqueux, ils restent immobiles. Ce libre arbitre qu’hommes et femmes, devenus inaptes à supporter les règles de leur communauté, se targuent de posséder, celui qui les conduit à imaginer possible leur fuite d’une société qui condamne leurs passions les plus profondes, n’est qu’une illusion destinée à leur faire supporter les barreaux imposés par leur condition.
Gosha l’énonce avec limpidité : seuls ceux qui possèdent le pouvoir lié à leur rang social sont aptes à tordre le coup aux règles qu’ils imposent eux-mêmes. La fille unique d’un riche patron peut se permettre toutes les incartades, l’emprise qu’elle possède sur ses voisins lui permettant d’exercer sur eux une pression achetant leur silence. Pour les autres, et notamment pour ce jeune homme intègre et passionné qui incarne pour Gosha la voix de la rébellion, seule âme qui ne consent pas à courber l’échine, chaque pas entrepris vers une liberté espérée le rapproche d’une faucheuse toujours plus menaçante.
Une densité de fond à saluer qui fait de Femme dans un enfer d’huile une œuvre très intéressante, même si elle est toutefois desservie par un rythme lancinant et une voix de la rébellion décidément trop naïve. Gosha fait durer chaque séquence, et prend un peu trop son temps pour développer le personnage féminin qui remet en cause l’équilibre de son histoire. Résultat, le message passe, mais s’émousse au fur et à mesure que les minutes se font longues.
Néanmoins, plus que la réalité de la situation, c’est sa puissance métaphorique qui fait sens chez Gosha. Dans Femme dans un enfer d’huile, elle est très forte, et portée par une photographie tellement expressive qu’en fin de bobine, seule subsiste sa fougue expressive, celle qui ne souffre d’aucune barrière morale. Un uppercut étouffé par les gants de l’ennui, qui parvient à véhiculer la puissance du bras l’ayant assené sans toutefois aboutir au KO victorieux.
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