Frankenstein s'est échappé est un tournant dans le cinéma fantastique. Il marque définitivement la transformation de la Hammer, en cette fameuse société de production de films d'horreur. Suite à son succès avec Le Monstre, le studio voit alors le filon, et décide de retenter le coup avec Frankenstein. Ce fut ainsi la première production avec cette griffe si typique.
Un certain Peter Cushing est dans le rôle du baron Frankenstein. Jeune acteur, mais avec déjà toutes les qualités qui feront sa renommée au sein de la Hammer. Son jeu est marqué par ce flegme britannique, dont on sent pourtant derrière ses gestes mesurés, une certaine malice. Dans ce film, il joue un Frankenstein des plus aristocratiques, persuadé par son rang d'être au-dessus de tous. Mais, c'est surtout le sang froid de l'interprétation de Cushing qui nous marque. Bien loin de l'ivresse prométhéenne du Frankenstein de 1931, il nous offre là un personnage méthodique plongeant dans la folie, obsédé par un scientisme extrême.
Tout Frankenstein a bien sûr sa créature. Celle qui nait du très artisanal laboratoire du baron, est joué aussi par un futur grand nom de la Hammer, Christopher Lee. Malgré un intéressant maquillage réaliste, qui change de l'iconique masque de Karloff, il n'a pas un grand rôle. Les producteurs avaient décidé d'axer l'intrigue sur le baron et non la créature, craignant des poursuites judiciaires de la part de la Universal, qui avait fait les premiers Frankenstein. Lee a alors quelques scènes, où il n'est qu'une brute, dont une assez racoleuse avec un enfant et un aveugle près d'un lac, références aux deux premiers films de la Universal. La créature n'est donc pas là pour nous émouvoir. Sauf une fois, quand le pathétique de l'expérience atteint son paroxysme.
Le drame du baron se déroule dans un château gothique, où l'on s'habille à la mode victorienne, future marque de fabrique de la Hammer. Il est le lieu de différents drames bourgeois, pas toujours réussis, mais qui ont le mérite d'ancrer le récit dans la réalité, pour mieux sublimer l'arrivée monstrueuse du fantastique. L'histoire annexe la plus intéressante reste la relation entre le baron et son mentor. Figure paternelle, il est le seul à déstabiliser Frankenstein, le remettant à sa place d'enfant capricieux. Mais, c'est surtout lui qui a créé le baron, et ce dernier s'échappant de son contrôle, tout comme la créature avec Frankenstein, cela produit une mise en parallèle très intéressante.
N'étant pas sans défauts, le film a néanmoins déjà toutes les qualités de la Hammer, qui influencèrent tant le cinéma fantastique. On y trouve l'élégant Cushing, accompagné de l'immense Lee, dans la mise en scène efficace de Fisher. De plus, toute l'ambiance Hammer est présente : les décors gothiques, les couleurs vives qui crachent, et la musique ténébreuse de James Bernard. Frankenstein s'est échappé fut donc un bon galop d'essai, pour le renouveau du film d'horreur opéré par ce studio.