Je ne m'attendais pas à grand chose en voyant Furie, énième film à s'essayer au genre psychodrame horrifique avec une trame qui nous mène dans un sentier archi usité depuis des années : Us, You're Next, Vacancy, Ils, Strangers et j'en passe s'y sont frotté avec plus de moins d'audace et de réussite sans jamais vraiment égaler Les Chiens de Paille. Je n'en avais même pas entendu parler. Le fait divers quant à lui est un point de départ seulement. Le casting est totalement inconnu, ou presque pour ne pas vexer les égos. Et c'est peut-être ce qui rend Furie attachant de prime abord. Pas besoin de star, ici. En même temps, c'est pas trop le genre d'Olivier Abbou. A la différence Des Misérables où ( rare indélicatesse du film ) je n'ai pas trouvé le jeu homogène, ici, ça joue bien et les scènes de couple et d'amitié (lol) amènent de la matière et cela donne envie de suivre les acteurs sans accélérer et aller au dénouement. Ce qui est déjà une réussite pour moi qui suis très retors avec le jeu français autant qu'avec les scènes d'exposition interminables et autres discussions inutiles qui viennent juste gonfler et ampouler par la même le métrage. The Hunt par exemple chasse toutes ces problématiques dès le début et atteint par la même directement le spectateur à la manière d'un uppercut. Mais il s'enlise ensuite. Ici, c'est l'inverse. Le dénouement de Furie se fait attendre car Furie prend son temps avant de partir en cacahouète et de donner au spectateur ce qu'il attend depuis le début, pas de bol, il faudra attendre. Attendre. Attendre. Et c'est dans ce ventre mou qu'il trouve son meilleur. Le jeu de manipulation aux ficelles peut-être un peu convenues est prenant. L'interprétation intense de la minérale Stephane Caillard et de l'imprévisible Paul Hamy y est pour beaucoup. Adama Niane semble un peu en dessous mais c'est un leurre, il est dans une quête intérieure et se rapproche parfois d'un Dustin Hoffman dans sa torpeur, son inhibition, Abbou le sait très bien, il connaît le terrain. Petit bémol, cependant, l'enfant. Qui, lui, joue vraiment mal et ses grimaces grincent. Ne jamais négliger un enfant quand sa présence peut ajouter au suspense, et là...aille ! Ca pique un peu. Pas trop compris la direction ici qui jusque là était impeccable, mais ce n'est pas trop grave, on le voit peu. ( juste dommage.) Dans Furie donc, Olivier Abbou ne refait pas les mêmes erreurs que dans son précédent Territoire(s) baclé bancal banal au bout du compte et pourtant paradoxalement bourré de bonnes intentions. Cette fois, il lâche les chevaux au bon moment, s'offrant le luxe entre temps de taper sur les errances de la justice, mais pas seulement. Il sonne juste dans ses dialogues, dans ses "entre-deux" tant est bien que Furie n'est pas un film d'horreur mais plutôt un drame intimiste qui part en sucette. Un drame qui bascule évidemment et irréfutablement dans l'innommable. Et là encore, plutôt que de partir dans un spectacle grand-guignolesque, Olivier Abbou se la joue soft, n'en fait pas des caisses. Les têtes de cochons ici auraient pu être des têtes de sangliers ce qui aurait été plus à propos, mais le clin d’œil est lancé. Et puis Olivier Abbou a bien compris que cela ne servait à rien d'en faire des tonnes et que le plus fort de son film était derrière lui maintenant, restait à savoir comment le terminer.
Furie n'est pas un film d'horreur, aussi les fans seront déçus. La jaquette est pourrie en plus, ils auraient pu faire un peu mieux, on se croirait revenu dans les années 90 et dans Fear mais qu'importe, le titre en rappelle d'autres aussi, pas super judicieux non plus, mais qu'importe. C'est du cliché de fan en dira. Et puis ce n'est pas le but en soi. Ce qui est intéressant ici, c'est le cheminement, la manipulation psychique de Adame Niane qui en met du temps à sortir de sa torpeur. Et puis Furie sait aussi s'amuser avec ses clins d’œils. Son camping-car, sa grande maison avec jardin, ses têtes de porc, ses rednecks à la française, son psychopathe qui ne meurt jamais, bref, il y a une pâte indéniable chez Abbou qui selon moi monte en puissance sans que personne ne le voit et c'est tant mieux, ça lui évitera de prendre la grosse tête et il ne va pas tarder à nous pondre une merveille.
Ici vous pouvez spoiler
Reste une énigme. Elle prend sa source à partir des bâches en plastiques pourtant foutrement bien amenées ( ça m'a aussitôt fait penser à la fin terrible de The Den )
Il y avait d'autres chemins possibles, peut-être plus raides, plus radicaux...
Il nous y emmène puis s'arrête, rebrousse chemin, et achève presque les chevaux de manière grotesque ? " Tu l'as récupéré ta maison..." Mouais...Bof bof ça vient gâcher un peu le spectacle.
Dommage car dans ce genre de situation, qui conduit à l'extrême, d'autres ont tenté des twists plus prometteurs plus accrocheurs et cela aurait peut-être permis à Furie de se démarquer davantage. Aussi n'est-il est aisé de trouver une bonne fin, on le voit bien.
Dur dur de trouver ce parfait "entre-deux" qu'Oliver Abbou avait pourtant si bien usé depuis le début.
Pour autant, il faut voir Furie car on n'en a pas beaucoup des films comme ça en France.
Encourageant, vraiment !