LE cinéma
"Gerry" est de ces très rares films qui ne s'expliquent pas. Il suffit d'accepter de marcher avec ces deux personnages, de se laisser guider par un réalisateur en apesanteur, et vous vivrez un moment...
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le 20 août 2011
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J'ignorais jusqu'ici qu'un tel film puisse exister.
Gerry, c'est d'abord la collaboration entre deux acteurs très potes dans la vie, Casey Affleck et Matt Damon, et un réalisateur un peu plus mature qui remporte d'importants succès commerciaux avec des œuvres grands publics tels que Will Hunting ou encore À La Recherche De Forrester. Et c'est justement en entreprenant de se dissocier du système hollywoodien que Gus Van Sant forge l'idée d'un trip qui va parler sans aucune mesure aux deux jeunes acteurs susnommés. Le scénario se voit ainsi rédigé à six mains et beaucoup de grands spécialistes de la critique cinématographique vont affirmer que le synopsis tient sur une seule phrase. : Suite à une promenade, deux jeunes hommes se perdent dans un désert, point. Une sorte de road movie sensoriel et jusqu'au-boutiste qui pourrait être le pendant masculin et expérimental de Thelma Et Louise influencé par les réflexions contre-culturelles de Zabriskie Point. Pourquoi pas ? Si l'on reste campé sur des positions basiques en termes de cinématographie et en enfonçant des portes ouvertes, l'on peut effectivement rédiger le synopsis de Gerry en une seule phrase.
Sauf que Gerry ne ressemble en rien à la perdition des deux héroïnes de Thelma Et Louise et encore moins à la rébellion des deux tourtereaux de Zabriskie Point.
Gerry, c'est d'abord un terme qu'utilisent entre eux Matt Damon et Casey Affleck signifiant plus ou moins "loser", que l'on peut traduire chez nous par "boloss". Pour se taquiner, les deux acteurs s'appellent ainsi depuis une dizaine d'années et décident de garder ce terme pour nommer leur personnage respectif. Deux jeunes boloss en quête d'un mystère dont les spectateurs ignorent tout et qui vont se paumer dans un désert, c'est une idée qui les fait marrer. Et Gus Van Sant va transformer cela en quête métaphysique lourde de sens. Une quête tellement considérable que l'on n'avait pas vue cela au cinéma depuis 2001 : L'Odyssée De L'Espace.
Car au-delà de la somptueuse expérimentation sensorielle en contact direct avec la nature où beaucoup de spectateurs se sont malheureusement arrêtés, débute dans Gerry un parcours initiatique fascinant. Étirement temporel et confrontation physique, face à des épreuves pouvant s'avérer mortelle, constituent ici l'entière ouverture de soi à l'inconnu. S'il ne s'agit en aucun de s'arrêter à vaincre ses peurs comme le démontrent déjà bon nombre de longs-métrages, l'odyssée proposée ici se voit traitée au-delà de l'habituel processus, aussi bien mentalement que physiquement. Une forme d'introspection belliciste dont nombre de jeunes adultes expérimentent les sens aux quatre coins du monde dans le cadre de diverses expériences chamaniques à base de consommation de peyotl ou d'ayahuasca.
Ici, la drogue n'a pas lieu d'être. Le symbole de l'humanité se voit personnifié par une mythologie mentale et émotionnelle propre à soi-même où le but final est de désapprendre un enseignement culturel et éducationnel qui ne nous ressemble en rien. Jusqu'à "tuer" celui que l'on nous a forgé à matérialiser. Gerry tuera ainsi Gerry ?... Quoi qu'il en soit, I'm leaving seront ces derniers mots.
Guère étonnant que Gus Van Sant décidera de créer une trilogie à la fin du tournage (voire même une tétralogie si l'on inclut Paranoid Park) à propos de la mort, aussi bien dans le sens littéral que dans le sens figuré du mot. Et guère étonnant qu'il ait ainsi choisi le tristement célèbre massacre de Columbine en 1999 pour illustrer son second propos, l'action d'Elephant se déroulant dans un lycée, haut lieu éducatif forgeant des esprits communs.
Avec son symbolisme gorgé de liberté (la vraie, pas celle que l'on croit détenir alors que nous sommes toutes et tous prisonniers d'un système), Gerry est certainement l'un des films les plus émotionnellement pertinents de toute l'Histoire du cinéma. Mille mercis à Gus, à Casey, à Matt…. et à Torrente qui m'a judicieusement conseillé de le découvrir. L'un des plus beaux conseils qu'il m'ait jamais été offert ♡
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