255 jours, à peu près 35 semaines. Telle est l’abstinence du grand écran subie. Par conséquent, difficile de décrire l’état d’esprit dans lequel on aborde un film au ciné pour la première fois depuis plus de 8 mois. D’autant plus un film tel que Godzilla vs. Kong qui ne cherche pas à prétendre plus que ce qu’il n’est : un déluge d’action gargantuesque divertissant.


On ne va pas se mentir : personne ne s’est vraiment laissé avoir par le film. Toutes les critiques se sont montrées unanimes, ou presque, sur la question. Au final, plus que sa qualité intrinsèque, on a tous été ravis de retourner enfin dans une salle obscur et découvrir du grand spectacle sur grand écran. Cependant, on peut toutefois déjà reconnaître quelques points à ce film, notamment vis-à-vis de ses prédécesseurs. Si Godzilla II : Roi des monstres était plutôt homogène sur l’ensemble, et se révélait divertissant mais pas flamboyant, Godzilla vs. Kong se montrera du même acabit, mais beaucoup plus hétérogène.


Il faut comprendre par là que le film poursuit dans la lignée qui avait été tracée par les films précédents, jusqu’à pousser son concept à l’absurde. C’est-à-dire que la part humaine va prendre encore moins de place, mais qu’en plus le peu qu’elle occupe se révèlera au mieux ridicule, au pire inutile ; tandis que le duel entre les deux monstres emblématiques sera le réel cœur du film et aurait presque pu se suffire à lui-même. Par ridicule/inutile, j’entends bien sûr les personnages dont l’impact sera minime, quand il n’est pas caricatural ou insignifiant. Le seul personnage qui a un réel rôle dans le film, c’est la petite Jia, muette. Elle devient une partie de l’âme du film en étant le personnage le plus expressif, le plus attachant et le plus intéressant, et tout ça sans dire le moindre mot. Ce qui est assez ironique dans un film où les deux personnages titres n’utilisent pas un langage humain (mais qu’on comprend tout aussi bien).


Le reste n’est qu’un ribambelle superflue, vide, au développement et à l’arc narratif dérisoire, voire pitoyable. Nathan et Ilene sortent vaguement du lot, parce qu’ils encadrent Jia et servent de connexion avec elle, mais leurs personnages sont d’une tristesse absurde. On retrouve Mark Russell du précédent film, sans qu’il apporte grand-chose, tout comme sa fille Madison, embarquée dans une intrigue secondaire qui a le malheur de couper le rythme du récit, et flanquée par deux personnages lourds comme 500. L’unique intérêt de cette partie de l’intrigue est de servir de fusil de Tchekhov au moment t, sauf qu’il n’y avait pas besoin de 3 personnages pour y parvenir et, au bout du compte, on pouvait y parvenir avec les personnages déjà présents.


On peut vaguement mentionner l’antagoniste, stéréotype classique qui s’assume, sa fille qui ne sert à rien à l’intrigue (même pas elle n’a droit à un arc de rédemption, alors qu’elle aurait justement pu jouer le rôle du fusil de Tchekhov), et le fils de Serizawa qui sort de derrière les fagots sans raison. Au moins, les précédents films avaient le mérite de donner un rôle au personnage, même si c’était stupide. Là, non, même pas il essaye. Beaucoup de critiques ont souligné l’absence d’intrigue autour du duel et du spectaculaire, et le soucis n’est pas vraiment là : il y a une intrigue, sauf qu’elle n’est portée par aucun personnage.


Du coup oui, les clichés se succède, c’est un peu laborieux à démarrer, le rythme est haché, plusieurs scènes sont clairement inutiles, lourdes, longues, lassantes. Et c’est qui peut rendre difficile de juger le casting, puisqu’il paraît tellement insignifiant, voire absent, pour vraiment être significatif. Aucune ne parvient vraiment à tirer son épingle du jeu, si ce n’est pas toute jeune Kaylee Hottle.


Mais au final, et c’est là que je parle d’hétérogénéité, je me suis régalé dans ce film, bien plus que dans Godzilla II ou Kong : Skull Island. Parce que l’intrigue entourant les deux kaijus est divertissante et ne nous déçois pas. Même si ça peine un peu à démarrer, l’arc narratif des deux suit une logique et une dynamique assez classique au genre du film d’action. Tous deux sont traités comme des personnages à part entière, pas seulement des monstres qui apparaissent en fond. Ils ont un développement, ils ont un parcours, des obstacles à surmonter, des émotions. Oui, les trailers grillent un peu la raison pour laquelle Godzilla passe en mode berzerk, oui le passage dans la Terre creuse en mode full-Jules Verne est un peu longuet (mais assez intéressant dans la construction de la mythologie) ; mais ça reste divertissant.


D’ailleurs, un signe : autant le premier tiers du film est rempli de pas mal de dialogues, d’exposition, de présentation ; autant, dès qu’on passe la première confrontation, le film embraye et c’est limite s’il n’y aura plus de dialogue. Le peu qui restera sera toujours de l’exposition (« Oh, il faut faire ci », « Oh, je suis en train de faire ça »), mais ça sera entrecoupé par ses longues séquences où Kong et Godzilla sont les véritables personnages titres de leur film éponyme. On se laisse embarquer dans cette histoire, ce spectacle, et on reste accroché sur notre siège jusqu’à la fin. Je me suis régalé et me suis investi dans l’intrigue des deux personnages. Et oui, je suis très satisfait de la résolution du film.


Sur le plan technique, le film est le déluge promis. Tom Holkenborg se donne à cœur joie pour rendre le tout épique et spectaculaire à souhait, avec une musique démentielle comme on pouvait l’espérait pour ce combat de Titans. Si la mise en scène m’a paru un peu paresseuse par moment, elle reste assez efficace dans l’ensemble et joue avec bien sur les différentes échelles pour prendre compte de l’ampleur des personnages (peut-être le seul intérêt des humains, en fin de compte). Et surtout, elle s’allie à merveille avec les décors et les effets spéciaux pour donner un véritable souffle épique et grandiose à cette aventure.


Les combats sont époustouflant, les monstres ont un détail de réalismes plutôt impressionnant, mais surtout, leur dynamique est très fluide et réaliste. S’il y a pas mal de passage très anthropomorphiques dans leurs réactions et expression (sans doute pour renforcer le caractère personnage), leurs comportements et mouvements conservent quelque chose d’assez bestial, ce qui renforce au final leurs attraits animaliers. L’équilibre est assez bien trouvé et fonctionne vraiment très bien.


Bref, est-ce que Godzilla vs. Kong est un bon film ? Non. Sans forcément être un nanard, il en partage quand même certains ingrédients. On peut le prendre comme un film d’action grandiose et spectaculaire faisant affronter deux légendes du cinéma comme jamais auparavant, et comme les fans pouvaient l’espérer. Sans forcément être meilleur, dans l’ensemble, que ces prédécesseurs (et pas seulement la franchise, je parle en général), il se révèle pourtant être sans doute l’un des plus efficaces. Un film pop corn par excellence, sans doute un plaisir coupable, mais qui se révèle divertissant et épique et que je regarderai à nouveau avec grand plaisir. Et après tout, c’est peut-être ce qui nous fallait pour nous faire oublier le contexte actuel et retourner au cinéma.

vive_le_ciné
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le 12 mai 2021

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