Commençons par les points intéressants :
Ici vous pouvez spoiler !
- Le cliché de la petite famille végétarienne parfaite est plutôt bien estompé par les vraies raisons qui poussent cette famille à le devenir : pour éviter qu’ils ne fassent du mal aux humains, ils ne mangent aucune viande (même si Justine n’a pas connaissance de cela avant d’y avoir gouté)
Poste visionnage et en réenboîtant tous les passages du film, on comprend la raison pour laquelle dès le début du film, lorsque Justine mange par accident de la viande, sa mère est scandalisée : il ne faut pas que la malédiction se déclenche. - Autre point positif, cette violence presque drôle à regarder comme si on visionnait un Tarantino. Je ne parle pas des scènes où Justine mange de la viande crue, ou de celle où elle vomit ses cheveux, mais plus généralement de cet excès de sang avec des couleurs bien vives, de cette bagarre entre Justine et sa soeur où finalement pour qu’elle se fassent mal, finissent par s’entrebouffer. La musique amène aussi quelque chose de tarantinesque : très moderne et surtout qui intervient de manière inopinée (notamment quand Justine mange le doigt de sa soeur). Il y indéniablement mais aussi paradoxalement un souci de Ducournau pour rendre ce film agréable à regarder.
Enfin, j’ai globalement eu un ressenti positif sur le film en le terminant, il était loin d’être ennuyant et j’ai particulièrement apprécié son rythme et sa longueur qui le rendent digeste.
Venons-en maintenant aux problèmes que ce film soulève :
D’abord, il y a le traitement du cannibalisme.
Certes on peut le traiter comme on le souhaite mais il s’agit bien d’un sujet existant dans notre monde. D’autant plus que le film se passe dans notre monde. Donc quand on décide d’aborder l’inabordable , le dérengeant, l’impensable de notre monde, on l’assume. Certains me diront qu’il est impossible que de plus assumer le cannibalisme que par la manière dont Ducourneau l’a fait (étant donnée l’extrême violence et sanglance déjà présente dans le film) mais queneni !
Même si elle est une spécialiste du genre horrifique, j’ai été assez confuse sur cette proposition. Son film tente de raconter l’histoire d’une cannible sous le prisme non pas d’une anomalie, mais plutôt d’un facteur héréditaire. Elle a selon moi finalement donné une justification à ce qui est une perversion et une transgression, et non pas une simple maladie héréditaire.
Immaginons que l’on face la même chose avec un sujet tel que la pédophilie, cela dérangerait beaucoup plus, parce que l’idée de justifier cette transgression par l’existence d’une malédiction serait vu comme une deresponbabilisation de nos actes dans notre société.
En fait, dès qu’on a su que la soeur était comme Justine j’ai commencé à avoir un petit malaise. J’avais lu le pitch avant visionnage, disant qu’après qu’elle se soit retrouvée forcée à manger de la viande, Justine allait découvrir sa vraie nature.
Jusque là, j’avais pris « vraie nature » par « la part cachée d’elle même », chose que j’appréciais, car le cannibalisme après tout est une phénomène rare et qu’il était intéressant de voir comment cette fille allait vivre sa sollitude face à cette découverte. Mais dès le moment où sa soeur a manifesté les mêmes symptômes qu’elle, j’ai compris le véritable sens du mot nature : l’hérédité.
Ce problème en fait naître un nouveau, par ce que non seulement le cannibalisme est vu comme malédiction, mais en plus la façon dont elles s’y prennent pour manger relève encore une fois presque du surnaturel : les deux soeurs sont attirées par la viande humaine comme le vampire est attiré par le sang humain.
Or, le cannibalisme consiste simplement à consommer la même espèce que la sienne. Quand on est cannibale, on est pas incontrolable dès que l’on voit du sang humain ou un bout de peau, on a pas envie de mordre la peau dès qu’on est proche d’une personne, c’est simplement que lorsque l’on a faim, on mange de la viande humaine.
On peut revenir sur l’épisode de la bagarre entre soeurs, même si c’est assez drôle de les voir s’entremanger pour se faire du mal, c’est complètement invraisemblable. C’est comme si elles n’éprouvaient plus de douleurs physique, comme si elles se foutaient d’avoir des cicatrices, en fait comme si elles n’étaient plus humaines. Or elles le sont, elles sont « juste »cannibales.