Michael Myers, croquemitaine ultime du cinéma d'horreur, s'est offert une seconde jeunesse en 2018. D'un coup et d'un seul, il trucidait toutes les suites au classique de John Carpenter (7 films donc) et passait les deux films de Rob Zombie au compacteur. Table rase. Halloween se reconnectait directement à La Nuit des Masques pour livrer le match retour Strode/Myers 40 ans après leur première confrontation. À la barre, une équipe surprenante - David Gordon Green et Danny McBride, plutôt habitués du rayon comédies - mais composée d'admirateurs avant tout. Bilan de l'opération : un bon slasher à l'ancienne, décomplexé, bien fichu et un énorme succès commercial (10 millions de budget, 255 millions de dollars de recettes ; je vous laisse faire le calcul). Ça tombe bien, les trois gus à l'initiative (Gordon Green, McBride et Jeff Fradley) s'étaient gardés quelques idées pour une trilogie, qui partirait du premier pour terminer avec Halloween Ends. Entre les deux, Halloween Kills. Vous voyez le problème ?
Sachant que la fin de l'histoire est prévue pour 2022, à quoi sert donc cet épisode transitionnel ? Plus il avance, plus on se le demande. Et ce n'est pas faute d'y trouver des pistes intéressantes. Excellente idée que de se concentrer sur des victimes collatérales du tout premier Halloween de 1978. Par ce biais, on élargit le cadre sur le traumatisme qui a affecté une ville toute entière. Mieux, le script s'en sert pour déplacer la peur du côté des citoyens. De manière imprévue, la suite flirte avec la satire, voire même la parodie. On assiste médusés à la transformation d'une bourgade en ligue de défense bien résolue à se passer de la police pour rendre justice. Évidemment, tout cela va déraper au point que certaines scènes font directement écho aux scandales ayant touché l'Amérique récemment (la prise du Capitole, entre autres). C'est dans ces moments que Halloween Kills se révèle le plus efficace. Pour le reste, c'est une autre histoire.
Vous vouliez du sang et des mises à mort sadiques ? Vous les aurez. Michael Myers étant le plus increvable des tueurs, David Gordon Green lui donne carte blanche. Dès l'intro, le décompte des morts explose et ça ne va pas s'arrêter. Buffet à volonté : têtes retournées, corps éviscérés, énucléation en pagaille, et du sang par hectolitres. Avec le chef Myers, on déguste toujours autant. Sauf qu'on connait la chanson, et on la connait trop bien pour se laisser embarquer. Tenter une approche acide marcherait si les trois scénaristes y allaient réellement à fond. Sauf qu'ils ne savent pas trop quoi en faire, tout comme ils ne savent pas comment occuper Jamie Lee Curtis, Judy Greer ou Andi Matichak en attendant le prochain. Le constat touche aussi à d'autres protagonistes utilisés par-ci par-là au gré d'un montage bizarroïde qui cherche à dilater le long-métrage avec des flashbacks souvent mal intercalés. Tout ce petit monde se débat donc parmi les invraisemblances et passages obligés, avec en prime de nombreux dialogues ineptes. Du côté de la mise en scène, l'inspiration est à la peine, Gordon Green y va en mode bourrin avec des cuts à la pelle et pas l'ombre d'une idée pour surprendre. On rit et on s'ennuie, pour les frissons il faudra manifestement attendre le prochain. Là est tout le problème : si on lui enlève son ironie, Halloween Kills n'a aucune raison d'être. D'où l'incompréhension à étirer cela sur une trilogie quand deux volets peuvent suffire. La pilule est encore plus difficile à faire passer quand on réalise que l'objectif premier de la saga - l'épouvante - est bien la première chose à ne pas fonctionner ici.