Cinq ans après La Liste de Schindler, Steven Spielberg revient à la seconde Guerre mondiale avec Il faut sauver le soldat Ryan. Après l'horreur de la Shoah, le réalisateur aborde cette fois-ci la cruauté des batailles. Disons-le clairement : la guerre au cinéma n'a plus jamais été la même après ce film.
L'esthétisation des conflits armés fait souvent l'objet de débat, puisqu'elle s'accompagne souvent d'une tendance à magnifier les affrontements belliqueux au détriment de toute forme de réalisme. La vision de Spielberg est autre. Frontale. Sans pitié. Les séquences guerrières, le spectateur les redoutera à s'en faire des crampes d'estomac. L'approche évoque le documentaire : couleurs désaturées, longs plans-séquences caméra à l'épaule, obturateur fermé pour un rendu saccadé, travail d'orfèvre au niveau sonore. Le film atteint un niveau d'immersion jamais vu dans les salles, renforcée par la sauvagerie des combats, proprement traumatisante. Et je pèse mes mots. Les balles sifflent de tous les côtés, les déflagrations explosives vrillent les oreilles, les corps mutilés ou démembrés jonchent la mémoire aussi sûrement qu'ils hantent les plages de Normandie. L'ouverture à Omaha Beach est un choc insurmontable, et dîtes vous que les autres séquences sur le champ de bataille sont d'une férocité comparable. Un sommet d'émotions brutes, entre la terreur viscérale et l'horreur organique. Un des plus grands aboutissements de Spielberg (accompagné par la partition déchirante de John Williams).
Artistiquement, ...Le Soldat Ryan pose les jalons d'une nouvelle norme, que s'empresseront de suivre bon nombre de productions : Gladiator, La Chute du Faucon Noir, Stalingrad, le dyptique Mémoire de nos Pères/Lettres d'Iwo Jima, Tu ne tueras point,...
Le film est aussi l'hommage du cinéaste aux hommes qui ont perdu la vie pour remporter la guerre. Le script bouleversant de Robert Rodat a l'intelligence de ne pas réduire ses personnages à des bidasses unidimensionnelles. Leur mission va être au centre de plusieurs questionnements moraux sur la validité de leurs actions ou leur portée. On retrouve le caractère sacré de la vie, précepte talmudique cher à Spielberg, notamment dans sa fresque consacrée à l'industriel Oskar Schindler. Le long-métrage replace aussi la notion d'humanisme, sitôt qu'elle est éclaboussée par le sang et la crasse. Pas surprenant que le personnage le plus idéaliste de la troupe soit l'interprète, seul membre à privilégier la parole aux armes. On aura malgré tout autant d'affects pour ses comparses, tous profondément humains jusque dans leurs failles et leurs rages. On les admire pour ça. Leurs interprètes les magnifient : Tom Hanks bien sûr, mais également Tom Sizemore, Edward Burns, Adam Goldberg, Barry Pepper, Jeremie Davis, Giovanni Ribisi ou Matt Damon.
Il faut sauver le soldat Ryan prend aux tripes et ne force jamais le trait pour vous mettre le cœur au bord des yeux. Qu'on ne le voit qu'une fois ou à une dizaine de reprises, on s'en rappelle à jamais. Il n'est ni agréable ni tortionnaire, simplement nécessaire. Le film n'a pas la prétention de filmer la guerre telle qu'elle est mais de nous en présenter un aperçu histoire de ne jamais la réduire à un concept trivial. Et de saluer la mémoire de ceux qui ont dû l'affronter pour que l'espèce conserve ce brin d'humanité qui ne doit pas cesser de pousser.

ConFuCkamuS
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Top Steven Spielberg et Les meilleurs films de Steven Spielberg

Créée

le 26 juil. 2019

Critique lue 132 fois

2 j'aime

ConFuCkamuS

Écrit par

Critique lue 132 fois

2

D'autres avis sur Il faut sauver le soldat Ryan

Il faut sauver le soldat Ryan
Dasson
8

Critique de Il faut sauver le soldat Ryan par Dasson

Il me fallait absolument revoir ce film avant de pouvoir en écrire la critique car je savais l'avoir aimé mais les raisons pouvaient être un peu obscures 5 ans après le premier visionnage. Les...

le 2 juil. 2011

52 j'aime

19

Il faut sauver le soldat Ryan
Mothey
4

Le meilleur court-métrage sur le jour le plus long

Aaaaaah... Il faut reconnaître une chose, "Il faut..." est un grand film, l'horreur de la seconde guerre mondiale est retranscrite avec un mimétisme bluffant,. Un film prenant, on s'accroche à son...

le 3 sept. 2010

48 j'aime

2

Du même critique

Dune
ConFuCkamuS
4

Anesthésie Spatiale

Peut-on partir avec un avantage si l'on décide d'aller voir l'adaptation d'une œuvre matrice dans la littérature ? Oui, en ne l'ayant pas lue. Il n'est pas toujours aisé de jongler entre...

le 15 sept. 2021

66 j'aime

8

I Care a Lot
ConFuCkamuS
4

Épigone Girl

Dur d'échapper à son rôle phare. Propulsée sur le devant de la scène avec le rôle d'Amy dans le d'ores et déjà classique Gone Girl réalisé par David Fincher, l'actrice Rosamund Pike n'a pas ménagé...

le 20 févr. 2021

60 j'aime

Les Trois Mousquetaires - Milady
ConFuCkamuS
3

Tous pour presque rien

Huit mois, ça peut être un vrai obstacle à la compréhension à l'ère du streaming et du binge-watching. Tout spécialement si vous vous lancez dans la suite d'un film pas très fameux, et que cette...

le 13 déc. 2023

56 j'aime

7