(vu en avant première le 30 janvier 2024 au Cinéville de Lorient. Critique commencée le soir même du visionnage, puis définitivement terminée le 10 mars 2024 pour me permettre d'avoir du recul : je valide ma première impression, hélas...)
J'aurais souhaité que cette critique soit positive, ressortir les larmes aux yeux, et me dire que la lutte contre les VSS (Violences Sexistes & Sexuelles) tenait en "Il reste encore demain" une oeuvre puissante pour porter ce message et cette lutte.
Malheureusement, il n'en ait rien. La réalisatrice (et actrice principale) Paola Cortellesi y a pourtant certainement mit toute son âme, et nous ne pouvons ici que saluer le sujet qu'elle porte au grand écran. Pour autant, il serait hypocrite de ne pas pouvoir émettre une critique dure sur ce film, sous prétexte de l'importance du propos servi.
Ce qui m'a déplut sur la forme :
- une bande son n'ayant aucune cohérence, qui parait parfois hors sujet, voir même inapproprié sur certaines scènes. Le décalage entre la temporalité du film (1949) et les musiques "actuelles" sélectionnées, avaient peut être l'intention de nous dire "Regardez, c'était il y a 80 ans mais tout ça est encore d'actualité!". Résultat : l'audace se transforme en une suscession de maladresses, nous amenant par moment à la limite du malaise. Ça me fait mal d'avoir à l'écrire, mais c'est une des pires BO (si ce n'est la pire...) que j'ai pu entendre au cinéma.
- nous n'avons à aucun moment la réelle impression d'être plongé en 1949. Peut-être est-ce un effet voulu, comme pour nous faire perdre toute notion du temps, nous amener à confondre les 2 époques et nous montrer à quel point le chemin concernant le démantèlement du patriarcat est encore long (ce qui expliquerait également la BO). Mais si ce n'est pas volonté de la réalisatrice, il y aurait notamment beaucoup à dire sur les décors et costumes très basiques (voir ennuyants...) et sur le manque de grain à l'image. Il n'y a aucune d'ambiance d'époque qui nous transparait réellement.
- le film n'est pas moche, mais il n'est pas joli. Hormis quelques rares plans (le prêtre à l'église avec les fidèles derrière lui, la place du quartier filmé de nuit sans vie, le dialogue entre la personnage principal et son amie sur un petit muret en pierre...), la réalisation manque cruellement de profondeur, d'une véritable intention artistique. Les effets de lumière sont quasi inexistants, alors que le format noir et blanc aurait pu amener une poésie sans pareil. Ce dernier lui même n'est pas vraiment beau (le format n&b). Il est là, et au final nous ne sommes pas vraiment en mesure de comprendre pourquoi. J'en arrive même à me demander si sa fonction première n'est pas d'être un cache misère.
- le montage : quelques légers faux raccords repérés, des enchainements de plans qui parfois ne semblent pas naturels, nous portent à confusion. Pour autant, la dynamique reste assez cohérente et nous tient attentif tout au long du film.
- le scénario et donc les dialogues sont d'une manière générale, très pauvres. Et pourtant, une histoire simple, voir banale, peut faire un film sublime (exemples 2023 : Le Bleu Du Caftan, Perfect Days, The Quiet Girl...), il appartient simplement aux auteurs de donner une richesse émotionnel à cette simplicité. Ici cela n'est pas le cas, et le jeu d'acteur, certes bien réalisé, mais de fait, assez insipide, ne permet pas de porter le film vers le haut. Aucun personnage n'a de vrai profondeur (mention spéciale aux 2 jumeaux qui n'ont qu'un seul attribut développé pendant une heure et demi : le fait d'être insupportable). Pas même la personnage principale, pour qui j'aurais aimé ressentir un attachement.
- les scènes mêlant violences et danses sont d'une réalisation étrange. Il n'y a pas d'autre mot qui me vient à l'esprit pour les qualifier. Sur le fond, j'ai vraiment du mal à cerner ce que nous devons comprendre à travers ce choix artistique.
- la scène de la chute entrainant le lâché de plat est terriblement mal jouée (cascadée?). S'en est presque aberrant qu'elle n'ai pas été retournée.
- La scène du chocolat sur les dents ? Est-ce une métaphore de l'innocence, de l'enfance ? Si oui, pourquoi cette dernière arrive comme un cheveu sur la soupe, et n'est jamais traitée une seule autre fois dans le film ? Il n'en ressort, comme tant de fois dans ce long métrage, rien qu'une grande incompréhension pour celle ou celui qui y assiste.
(...)
Au final, cet exemple montre ce qu'il manque à la forme de ce film : de la subtilité, de la logique, de la beauté.
Pour me faire l'avocat du diable, peut-être que son budget était très mince. Ce qui pourrait expliquer (sans pour autant justifier) toutes ses faiblesses. La beauté n'est fort heureusement pas automatiquement dépendante de l'argent pour s'accomplir.
Sur le fond, je serais bien plus court : je ne le trouve tout simplement pas assez radical, beaucoup beaucoup trop gentillet, pour de nombreuses raisons personnelles qui rallongeraient cette critique déjà trop longue.
"Il Reste Toujours Demain" ne deviendra pas l'étendard cinématographique des luttes féministes qui veulent changer la société en profondeur. Sa "légèreté" sera certainement un atout pour certaines et certains. Pour d'autres comme moi, cela sera notre plus grand regret pour ce film phénomène.