Illusions perdues, de Xavier Giannoli, est à n'en pas douter un très bon film. Les acteurs sont très bons, les plans sont beaux, du moins je les trouve beaux, autant que les costumes et les décors parisiens du 19ème siècle. Le film sait nous happer, nous plonger totalement dans son époque, en y glissant subtilement, comme des rappels, des moments faisant de cette histoire bien plus que la simple retranscription de la société selon Balzac. Les époques changent, tout comme la comédie humaine qui s’y joue et les acteurs qui y performent, mais certaines choses demeurent ou du moins, nous tirons aujourd’hui l’évolution d’hier. On aperçoit de façon limpide dans ce film à travers l’ascension d’un jeune provincial fraîchement venu, l'invention de la presse et du journalisme, ses rouages, et l’avènement de l’argent roi à l’époque de la restauration. S’il est certain que l’on peut, certes, construire des ponts quelque peu faciles avec le présent, le réalisateur les édifie subtilement, jouant sur la forme sans jamais trop insister. J’ai notamment adoré comment on peut voir Paris aujourd’hui à travers les plans resserrés sur le personnage principal en pleine rue lorsqu’il découvre cette ville; les fenêtres des calèches sont les vitres de nos métros. Il y a même parfois une certaine pointe inattendue d’humour, quand au détour d’un dialogue, au coin d’une réplique on entend un des personnages moquer la corruption ambiante en ironisant sur le fait qu’un jour, un banquier dirigera la France… Ceci étant dit, il nous est tout de même difficile d’apprécier cette œuvre sans rendre hommage au scénariste, Balzac lui-même. D’ailleurs, selon moi ce qui rend le film très pertinent, c’est cette capacité qu'a le réalisateur à retranscrire le plus fidèlement possible l'œuvre du plus illustre des portraitistes sociétaux de son temps, inventeur du roman réaliste. La réalisation souligne sobrement le génie de l’acuité balzacienne. Le récit est clair, on ne s’ennuie pas, en tout cas pas moi. Les mots, ceux de Balzac, sont justes et sont utilisés tout du long, remplissant les 2h30 sans qu’on les voit passer. A travers son film, Xavier Giannoli déclare sa flamme et honore la littérature, les livres de nos pairs, les mots qui les composent et l’encre avec laquelle ils sont écrits.
Je recommande chaudement.