"Imitation Game", film réussi mais imitable !!!

Nommé huit fois aux Oscars, « The Imitation Game » personnifie le « Biopic » hollywoodien classique de ces dernières années. La difficulté dans ce genre d’exercice sommeil dans la façon de présenter le matériau de base, savoir transposer les faits réels à l’écran avec clairvoyance et sagacité, sans se perdre dans une morosité ludique et ennuyeuse. Contrat réussi pour le film de Morten Tyldum qui arrive à passionner du début à la fin.
Sans jamais perdre son public à travers les différentes références scientifiques et mathématiques, le réalisateur norvégien préconise un schéma somme tout classique, mais ingénieux et efficace. L’aspect émotionnel est clairement le plus gros dilemme du film, passant outre les quelques séquences (pour la plupart des images d’archives) de guerres, impressionnantes et déchirantes, toute l’ampleur de la responsabilité de ces cinq mathématiciens véhicule une tension dramatique palpitante. L’histoire, méconnue, est évidemment captivante, un tel évènement historique ne peut laisser de marbre. Sa portée patrimoniale et conflictuelle insuffle un sentiment de profonde empathie. Autre aspect intéressant, le portrait d’une Angleterre puritaine et austère, décortiqué de manière, somme tout académique (comme très souvent pour un film à Oscars), mais pas pompant pour autant. Ce système poussiéreux et préhistorique (la loi condamnant les homosexuelles à suivre un traitement dit de « castration » n’est vieille que de 60 ans) interpelle par sa rigidité et sa froideur, caractérisant une Angleterre encore encrée dans une aristocratie pudique. Le personnage de Turing fascinant dans son comportement et dans ses obsessions, interprété brillamment pas Benedict Cumberbatch, se révèle être à l’encontre du système. Beaucoup trop en avance sur son temps, énigmatique et impénétrable, il est une anomalie parfaite. Le traitement du personnage possédant tous les ressorts dramatiques conformes reste élémentaire, partiellement survolé au niveau de son passé. Le réalisateur décide d’entrecroiser son scénario de multiples « flash-back ». Ainsi, une partie de son éducation et sa rencontre avec Christopher (son amour éternel), permet d’en savoir juste ce qu’il faut sur Turing pour s’identifier à lui, sur ce qu’il l’a façonné et rendu finalement assez froid à l’âge adulte. Ce dernier point pourrait d’ailleurs énerver, tant les portraits de génies au cinéma s’entachent de ce genre d’écriture caricaturiste, où ils sont montrés comme étant introvertis, désagréables, limite sociopathes. L’écriture du film en générale est d’ailleurs beaucoup trop lisse et conventionnelle pour pouvoir se défaire de la longue liste de « Biopics » traditionnels. « Imitation Game » malgré ses défauts, reste un film réussi, sobre et qui plaira très certainement à une majorité, mais il n’en reste pas moins une œuvre classieuse et sans grand intérêt purement cinématographique. Il n’est donc pas nécessaire d’aller le voir absolument au cinéma, attendre sa sortie en DVD n’est pas une mauvaise chose.
Jogapaka
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Biopic, Drame et Oscar du meilleur film 2015

Créée

le 7 févr. 2015

Critique lue 219 fois

Jogapaka

Écrit par

Critique lue 219 fois

D'autres avis sur Imitation Game

Imitation Game
Samu-L
6

The Mitigation Game

Assurément, les gens qui ont déclaré ce film comme étant le meilleur de 2015 n'ont pas du voir beaucoup de biopic dans leur vie. The Imitation Game est un biopic réussi, mais qui ne s'écarte jamais...

le 1 avr. 2015

91 j'aime

16

Imitation Game
Docteur_Jivago
3

En route pour les oscars...

C'est durant la Seconde Guerre mondiale qu'Alan Turing a participé à la conception d'une machine pouvant craquer les codes d'Enigma. Brillant mathématicien et informaticien britannique, il aura...

le 17 janv. 2015

86 j'aime

19

Imitation Game
Strangeek
6

And the oscar goes to...

Après l'habituel soupir d'exaspération à chaque annonce de biopics, je me suis tout de même renseigné sur l'histoire de ce mathématicien anglais atypique héros de l'ombre de la 2nd guerre mondiale...

le 15 janv. 2015

75 j'aime

12

Du même critique

Exodus - Gods and Kings
Jogapaka
4

Le retour perdant de Ridley Scott au Péplum !!!

"Exodus" signe le retour de Ridley Scott, 14 ans après "Gladiator", au genre qui avait donné un second souffle à sa carrière, le Péplum. Genre exploité rarement dans le cinéma contemporain, Scott...

le 20 déc. 2014

10 j'aime

5

Quand vient la nuit
Jogapaka
7

C'est du bon, c'est du belge!!!

Après le très bon Rundskop, Michael R. Roskam nous offre cette fois un film noir outre atlantique. "The Drop" est adapté du roman "Animal Rescue" de Dennis Lehane ( c'est à lui que l'on doit "Mystic...

le 28 sept. 2014

10 j'aime

Pour l'éternité
Jogapaka
6

Une formule qui s'éternise

Alors que nous vivons des temps tout à fait inédits, le cinéaste suédois, Roy Andersson, revient au cinéma avec un projet qui rappelle ses précédentes œuvres... peut-être trop même En ces heures...

le 17 août 2020

7 j'aime