Why I can't get a simple love ?
Dans le petit monde du drama, tout à tendance à se suivre et se ressembler sans jamais tenter d'innover, et encore moins changer de cible, livrant sans cesse des histoires niaises ne touchant jamais aux tabous, donc exit sexe et alcool. C'est ici que Jiao Shou Yi Xiao Xing et son Invisible Girlfriend interviennent, livrant quelque chose d'unique, donnant un bon coup de pied dans cet univers qui semblait inébranlable.
Le court-métrage nous propulse aux côtés d'un jeune homme timide, vierge, et faute de compagne, s'en imagine une, et à cause d'un quiproquo se retrouvera obligé de lui donner vie, livrant toutes sortes de preuves de son existence. Ça pourrait paraître simplet, mais l'auteur va toujours très loin dans la mise en scène, le protagoniste se fait choper par son colocataire en train de se masturber devant un porno, il souille des serviettes de « sang » et qu'il laisse en évidence pour faire croire à un passage de la jeune femme, et dans la déchéance se saoulera jusqu'à en tomber par terre, autant de points qui font que nous ne sommes pas dans un drama habituel. L'oeuvre ne s'arrête pas là, car en plus d'ébranler les piliers du genre, nous montre la triste descente aux enfers d'un jeune homme pris à son propre piège et dont il ne peut s'extirper, de peur de paraître ridicule aux yeux des autres.
Bref, Invisible Girlfriend est l'une des meilleures idées de ce début d'année, et vient prouver que certains créatifs peuvent apporter quelque chose à un genre, sans pour autant le dénaturer, car au final on retrouve bien tous les codes du genre.
En plus de son scénario remarquable, l'oeuvre dispose d'une mise en scène intelligente, oscillant entre instants drama et d'autres bien plus adultes, dont notamment le monologue final de notre protagoniste, véritable cri de désespoir venant du coeur, interprété par un Liu Xun Zi Mo d'une telle justesse qu'il retranscrit avec une beauté exceptionnelle l'immense peine d'un homme qui ne comprend plus le monde dans lequel il vit.
Critique d'un genre qui tourne en rond, l'oeuvre se veut aussi être une critique de société où tout est dans le paraître et dans la performance, où pour attirer les femmes il faut être le meilleur, et où la timidité n'a pas sa place.
Un autre point fort, l'humour, car si ce court est un drame, il n'en n'oublie pourtant pas d'être drôle, et figureront au panthéon des scènes hilarantes la rivalité nocturne des colocataires qui tentent de faire le plus de bruit avec leur compagne dans leur lit, l'un pour de vrai, l'autre en tapant du pied tout en jouant sur sa tablette.
Pour conclure, les amateurs de drama trouveront là un court-métrage qui leur redonnera espoir quant au futur de ce registre, et malgré la durée inhérente au format, le garderont très longtemps en mémoire. Les moins friands pourraient quant à eux être très surpris car c'est grâce à son approche intelligente et à son travail minutieux de l'image et de l'écriture qu'il réussit à aller au-delà des appréhensions.
Mention spéciale pour Jiao Shou Yi Xiao Xing, qui avec ce court-métrage s'impose comme une nouvelle figure du genre, pionnier d'une nouvelle ère du drama, et l'on espère le retrouver très bientôt avec quelque chose au format plus allongé afin qu'il puisse permettre à son talent de voyager un peu plus loin que les plates-formes de vidéos en ligne.
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