Je crois que je vais arrêter de mouiller comme un puceau devant la première promesse venue émanant de la presse spécialisée. Et je ne parle pas de revues pornos.
Les débandades s’enchaînent, It Follows succédant par exemple à Cold In July, lui aussi débordant de références aguicheuses, telle une pute sur le retour, lui aussi sur-vendu, tous atouts coulant sous le poids des années et de la chaleur.
Ah ça veut se la jouer Carpenterien, oui. C’est soudainement assez acceptable ces derniers temps, comme beaucoup d'articles révérencieux nous en donnent fréquemment la preuve.
Tiens, le slasher/survival urbain. Tiens, la stylisation Eighties© mais pas trop pour le geste. Tiens, avale la musique électro lancinante signée d’un sibyllin pseudo.
On oubliera les revers et déconvenues, le scepticisme et les critiques essuyées par le Big John à l’époque. Pardonné, l’échec de Big Trouble in Little China. Pardonné, le déclin commercial des années 90. Effacés, les affronts de Ghost of Mars. (À l’heure qu’il est, le présent rédacteur de ce billet se refuse toujours de croire que The Ward est un film de John Carpenter)
Maintenant faire du Carpenter, c’est cool.
Non. C’est stylé.
Alors tant que la photo, la banlieue, les rues sales, l’esthétique Eighties© et surtout la musique electro-dark minimalo-genre sont là on crie au génie, au sublime, au palpitant et à tout ce qu’on peut crier comme connerie vendeuse.
Certes, It Follows se suit, et même plutôt agréablement pendant un temps ; son concept relativement « frais » dans sa tentative de renouveler le genre pouvant impacter viscéralement le spectateur. C’est formellement un peu clipesque mais solide, et quelques moments (trop courts, trop peu nombreux) font leur petit effet.
C’est bien aussi, ce petit parfum banlieusard à la Freddy, Halloween et autres, dénué de figures parentales —telle « la mère », réduites à de simples esquisses sur un coin de l’image.
Mais les nouveaux amis de Carpenter de Deauville, Toronto ou Cannes ont oublié de me prévenir qu’ils en avaient rien à péter des enjeux noyés dans un laxisme d’écriture brouillant les tenants et aboutissants d’un concept pourtant monté exprès pour l’occasion. Et que du coup on comprend pas bien d’où tout ça débute et où ça s’achève.
C’est pas grave on a qu’à finir un film au moment où le spectateur pense que l’élément de résolution pas vraiment achevé va forcément mener à la situation finale. Tant pis si c’est un comble de torcher une mythologie en empruntant celle des autres.
Et avec une fumisterie dans le fond pour le côté Nolanien en toute fin, je savoure.
Sinon, j’aime beaucoup l’idée de cette bande de jeunes livrés à eux mêmes, ça ne me dérange pas, on va dire que leurs parents sont business men and women en voyage d’affaire et qu’ils leur ont laissé les clés des bagnoles et des maisons secondaires sur le buffet ; et puis ça colle au côté Nightmare on Elm Street que j’ai cité plus haut. Mais après faudrait gommer les tous petits détails de vraisemblance du genre « j’ai pénétré une maison où le cadavre mutilé de mon pote gît au sol en gueulant comme une truie mais la police elle dit rien » ou « salut l’hôpital je vous présente ma copine qui s’est fait tiré dessus y a 5 minutes par un copain avec l’arme de mon pote décédé sus mentionné, et la police… elle s’appelerio Quezac ».
En fait, j’aurai pu me montrer plus indulgent nonobstant les inévitables déceptions inhérentes aux promesses de marketing, si le film de David Robert Mitchell avait péché par la forme et non par le fond.
Peu importe que la métaphore de la perte de l’innocence (comprenez : tremper le pinceau) punie par une mortalité inéluctable ne flatte que les puritains et les vieilles filles, et que cela s’inscrive à la fois dans le genre auquel le film appartient mais aussi dans un courant de pensée de plus en plus « voyant » sur les écrans (Twilight et consort...).
Ce que j’’ai vraiment eu du mal à accepter, c’est une caractérisation si distante qu’elle ne suscite aucune empathie, et qui, couplée à l’écriture froide finalement assez proche de la filouterie, et à une conclusion indigente, font de It Follows une déception à la hauteur des superlatifs employés à son égard.
Quelle surprise…