De quelle manière le plus américain des cinéastes français peut-il réaliser un film à dimension internationale sur l’une des figures les plus emblématiques de l’Histoire de France ?

En faisant des compromis…

Besson a conçu son film de façon à respecter de nombreux impératifs financiers. Destiné notamment aux américains (dont la plupart ne savent probablement pas qui est Jeanne d’Arc), le film a dû être américanisé.

La scène du viol de la sœur de Jeanne, tant débattue lors de la sortie du film en 1999 car contraire à toute vérité historique, en est la preuve la plus évidente (en omettant bien sûr que le film est en langue anglaise, clé de voûte d’un hypothétique succès international). Il était en effet nécessaire de donner à la colère de Jeanne une origine concrète, visible, et d’aborder l’aspect religieux dans un second temps.

Certaines scènes sont très américaines, notamment par l’utilisation de « jokes », qui passent malheureusement assez mal si l’on n’est pas américain (on pensera à la scène où un soldat français grave « hello » sur un boulet propulsé sur une position anglaise…). A l’inverse, la présence de nombreux acteurs français au casting, et non des moindres (Vincent Cassel, Pascal Greggory, Tcheky Karyo), destinée à dire que le film est malgré tout français, l’américanise encore plus, tant le jeu de ces acteurs est, encore une fois, américain.

Mais Besson, quoiqu’on en dise (surtout depuis une dizaine d’années, soit après « Jeanne d’Arc »), sait faire du cinéma. Il est parvenu à faire un compromis entre ses impératifs financiers et son désir de faire un film de qualité.

Tout d’abord, il y a Milla Jovovich. Elle est formidable (une fois n’est pas coutume). Elle crée un personnage ambigu et très complexe, qui oscille entre des instants de grâce qui conduise le spectateur à croire à son origine divine, et des instants de pure folie, mais sans les sur jouer. Elle porte à l’écran les questions que l’on se pose sur Jeanne d’ Arc : Qui était-elle vraiment ? A-t-elle réellement eu de telles révélations ? Etait-elle simplement folle ? Quelles sont les raisons qui ont poussé le Roi à lui faire confiance et, par la suite, à l’abandonner ?

Ensuite, il y a les scènes avec Dustin Hoffman, sublimes, grandioses, presque divines. La prise de conscience de Jeanne, sa remise en question, sont guidées par les questions de Dustin Hoffman, auxquelles se superposent un montage original et léger, et la musique des Carmina Burana, certes emphatique et classique, mais diablement efficace.

Enfin, il y a la manière dont Besson regarde les femmes, ou plutôt la femme. Jeanne, c'est Leeloo. Elle est le cinquième élément indispensable à la survie de l'Humanité, elle est la réponse, elle est l'avenir de l'Homme. Cette thèse, modeste et pleine d'espoir, force le respect envers Besson, sur qui il y a beaucoup à dire.
AlexLeFieutard
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le 9 nov. 2012

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AlexLeFieutard

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