Revenge-movie canin couplé à une mythologie de tueurs à gages, absurdité totale du scénario, petit budget de 20 millions de dollars, film avec Keanu Reeves. Personne n'aurait pu prévoir la réussite d'une telle recette s'apparentant comme une série B de luxe, et pourtant il est indéniable que la saga John Wick a marqué à sa manière le genre du film d'action.
Mais alors qu'est-ce qui rendent ces films si particuliers ?
Là où depuis 20 ans l'héritage visuel nerveux de Jason Bourne et Michael Bay collait à la peau d'Hollywood et devenait une marque de facilité à filmer l'action, Chad Stahelski et David Leitch ont apporté une approche plus fluide de cette dernière. À la limite d'un fétichisme de la captation du mouvement par ses plans longs et ses travellings, John Wick impressionne surtout par les chorégraphies inventives et brutales de ses combats. S'ils pouvaient se compter sur les doigts d'une main au sein du premier film, chaque nouvelle suite n'a cessé de frapper encore plus fort : plus de coups, plus d'armes, plus de balles, plus de cadavres… la vision décomplexée de la violence atteint une telle apothéose que cela en devient fascinant.
Si John Wick - Parabellum était impressionnant sur le plan technique mais fastidieux dans sa mise en scène, ce quatrième opus à l'avantage de prendre son temps avant d'instaurer la violence afin de continuer à creuser une mythologie qui - depuis l'excellent John Wick 2 - ne s'arrête plus à son protagoniste mais s'étend à tout un univers. John Wick - Chapitre 4 joue donc davantage les globe-trotters à travers le monde afin de démontrer le pouvoir et l'omniprésence de l'organisation criminelle de La Grande Table. Les hôtels Continental imposent leur grandeur dans le paysage urbain, des monuments tels que Le Trocadéro et la Tour Eiffel sont privatisés ou servent de quartier général, les rues sont désertes, les voitures circulent normalement lors d'une gigantesque bagarre au milieu du rond-point de l'Étoile… la démarche absurde et jusqu'au-boutiste de Stahelski assume que le monde appartient aux criminels.
Avec sa durée conséquente de 2h50, John Wick - Chapitre 4 se permet d'être plus que jamais généreux, inventif, de retrouver le sel brutal et brouillon de ses combats, d'être plus diversifié dans sa mise en scène et même de faire référence aux scènes les plus marquantes des films précédents. Les styles de combats s'entrecroisent et se mélangent à la perfection avec la direction vidéo-ludique que le film veut prendre ; chaque décor est intelligemment pensé comme une arène de combat.
Mais au-delà de son aspect typiquement spectaculaire, ce John Wick - Chapitre 4 s'impose également comme le portrait psychologique de son protagoniste. Installé dans une position de chasseur déterminé à répandre le chaos indéfiniment, John Wick semble faire inconsciemment du surplace en tentant désespérément de se mesurer face à une organisation qu'il est incapable de battre ; La Grande Table n'est qu'une idée abstraite à laquelle il n'y aura probablement jamais de réponses claires. Cela revient donc plus que jamais aux bases fondamentales de la saga : John Wick ne pourra jamais briser le cercle vicieux dans lequel il est enfermé, la liberté, la délivrance de sa nature de tueur ne seront jamais accessibles
- peut-être même pas dans la mort.