Juste avant la fin du monde, une réécriture moderne du fils Prodigue...

C'est l'histoire de gens qui s'aiment et qui ne savent pas se le dire ; c'est l'histoire de gens qui auraient des tas de choses à se dire mais ne savent pas comment. Dolan dit lui-même que c'est un film sur " l'incommunicabilité" : ici, chacun s'emporte dans des diatribes logorrhéiques sans jamais que l'on perçoive l'objet de son courroux... Mais la vérité point dans tout ce que ne (se) disent pas les protagonistes.


Le thème est à la fois universaliste et intemporel : il est avant tout question d'humanité et de rapports humains. L'atmosphère de ce huis-clos est oppressante : on contemple une famille au bord du chaos, de l'implosion, enchevêtrée dans un magma confus de non-dits et d'amour. Il faut dire que la frénésie des plans rapprochés sur les personnages renforce ce sentiment d'imminence, d’oppression et nous contraint à notre rôle contemplatif de fin du monde... Des séquences silencieuses interminables avec Louis (Gaspard Ulliel) viennent en outre souligner la gravité de ce qui se dessine à l'horizon. Heureusement, des répliques cinglantes et profondément drôles viennent de temps à autre réinitialiser notre bourse émotionnelle avant qu'elle ne déborde.


Sur le plan formel, on retrouve l'esthétique "Dolannienne" : il fait le choix de la beauté, de la poésie et des symboles, le jeu des couleurs chaudes et froides... Certains la jugeront excessive. Mais voilà un parti pris totalement assumé par Dolan, toujours là au service du film, sans jamais verser dans la préciosité. Côté bande originale, on n'est jamais déçus, même quand le réalisateur audacieux dégaine un "Dragosta Din Tei" d'O Zone qu’il rend émouvant et nostalgique.


Les personnages font le film. Le contexte, l’histoire, sont finalement secondaires. Ils sont hauts en couleurs et semblent taillés sur mesure pour des acteurs très en forme : Nathalie Baye joussive, Léa Seydoux jamais dans l'excès (une fois n'est pas coutume). Quant à Vincent Cassel, il est Antoine, cynique et torturé, rendant enfin ses lettres de noblesse à cet acteur d'envergure. Marion Cotillard, qui ne fait jamais l'unanimité, nous livre ici une Catherine à la fois naïve, douce et gauche, pleine de finesse


car paradoxalement la seule capable de lire dans les silences d'un


Gaspard Ulliel mystérieux, mélancolique, magnifique, ce fils/frère parti il y a douze ans, aujourd’hui distant et à la fois omniprésent...


Le film tire sa révérence


sur un air de "Natural Blue" de Moby : Louis repart comme il est venu, sans avoir pu se décharger de son fardeau


et nous demeurons alors interdits... En bref, ce film est bouleversant, on en sort tous remplis d’émotions ambivalentes. Que l'on aime ou pas, on ne peut rester indifférent face à ce nouveau Dolan, alors un conseil : prenez vos jambes à votre cou et courez prendre votre fessée émotionnelle !

CamilleLarrieu
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le 19 sept. 2016

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Camille Larrieu

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