Le cinéma de Matthew Vaugh est assez unique dans la production hollywoodienne. Avec « Kick-Ass » en 2010, adapté d’un comics de Mark Millar, il peut se vanter d’avoir donné un vent de fraîcheur aux films de super-héros, avec un second degré appréciable, et un succès amplement mérité. Après un détour par une préquelle à la série « X-men » en 2011 plutôt réussie, il nous revient avec « Kingman : Services Secrets », toujours adapté d’un comics de Mark Millar, qui applique la formule de « Kick-Ass » aux films d’espionnages. Mais si le résultat est toujours aussi jouissif, il est en revanche plutôt dérangeant sur certains points.
Je ne m’étendrai pas beaucoup sur le scénario, cliché au possible : un jeune garçon fils d’agent secret mort en service est présélectionné par l’agence top-secrète Kingsman pour endurer des épreuves lui permettant s’il les accomplie de devenir lui-même agent secret. Le point fort de « Kingsman » s’affiche dès les premières secondes avec l’explosif générique : proposer un divertissement riche et décomplexé servit par une mise en scène de qualité. Ce qui est précisément le cas, après tout. Les scènes d’actions survitaminées sont spectaculaires et parfois même impressionnantes, grâce à cette mise en scène parfaitement maîtrisée sans être vraiment originale. Le film se permet aussi inévitablement de nombreuses notes d’humours, qui prêtent plus au sourire qu’à la franche rigolade. Il pose par ailleurs un regard très cynique sur la société actuelle, la dénonçant clairement comme étant une oligarchie, ce qui est plutôt intelligent sans là encore être très subtile. A noter enfin une certaine glorification du « gentleman » anglais, là où ils sont en général plutôt tournés en dérisions. Un parti-pris intéressant. Mais ce qui plaît le plus et ce qui plaisait déjà dans « Kick-Ass », c’est le côté immensément jouissif des situations comme des scènes d’actions. Les têtes explosent, les corps se tranchent en deux, et puis il y a les incontournables gadgets tout droit sortis d’un James Bond.
Mais c’est là qu’on atteint les limites du film, qui ne sont malheureusement pas moindres. En voulant rendre hommage aux anciens films d’espionnages, « Kingman » tombe dans une autosatisfaction plutôt vaine. Entre les personnages qui ne peuvent pas s’empêcher de sortir des références de films à-tout-va, et tous les clins d’œil aux « James Bond » et autres « Men in Black », tout cela est clairement indigeste et poussif. Comme « Scream » avec le genre de l’horreur, il tente aussi de pointer du doigt tous les codes et tics récurrents du film d’espionnage, comme si les énumérer en montrant clairement que c’est fait exprès empêchait le spectateur de s’en lasser, à l’image de son pathétique méchant joué par Samuel L. Jackson. Il fait preuve enfin d’une violence gratuite déjà présente dans « Kick-Ass », mais décuplée ici au point de non-retour. Si elle est moins dérangeante dans le climax final, la scène de l’Eglise entretient une morale ambigüe : est-ce parce que certaines personnes ont des idéologies détestables qu’on doit pour autant se réjouir de leur massacre ? Le film répond par l’affirmative.
Très bien réalisé, plutôt jouissif et assez drôle, « Kingsman » ne reste pas moins un divertissement beaucoup moins profond et intelligent que « Kick-Ass », multipliant les références inutiles au lieu de faire table rase du passé comme ce dernier. Et vu son succès commercial et même critique, l’emploi du terme « surestimé » n’est pas loin d’être envisageable.