Pendant les 2h 7mn que dure le film, on ne s'ennuie pas et on se demande toujours quelle va être la péripétie suivante. C'est le mérite évident du film : un certain suspense. Le personnage principal, que joue à peu près correctement Gilles Lellouche, va-t-il réussir à se tirer du guêpier dans lequel il est tombé ? Et si oui, après quelle sorte de dénouement ?
À part ça, il n'y a pas grand chose d'autre à sauver du dernier film de Jérôme Salle, dont le scénario, "(très) librement inspiré d'une histoire vraie", est bourré d'invraisemblances (genre : un peu avant un barrage routier de police, le fugitif dit au pope qui l'a pris en stop que ses papiers sont dans le coffre et il va s'y cacher ; un des policiers demande au conducteur d'ouvrir le coffre ; celui-ci s'exécute et le policier ne voit pas Lellouche, 1m 80, 70 kilos +, qui y est planqué).
Je sauverais peut-être aussi le montage qui, sans doute, contribue à maintenir le suspense, car suspense il y a quand même.
Mais tout le reste est d'un caricatural, d'un lourdingue, d'un approximatif ! C'est vraiment le film bourrin par excellence. Ça se regarde, mais d'un oeil incrédule et l'esprit accablé.
La poursuite finale dans les bois en pleine nuit, qui devrait être haletante, le pic du film, est mal mise en scène et mal photographiée ; là encore Lellouche fait ce qu'il peut, mais la réal n'est pas à la hauteur.
Et que de clichés ! Les "méchants Russes" sont ridicules, montrés comme des brutes épaisses à peine sorties de la pire époque d'avant la perestroïka, alors que l'histoire se passe en 2017. Brutes non seulement épaisses, mais stupides. Ce Mathieu Roussel est sous surveillance de la police russe et du FSB (ex-KGB), qu'il a ensuite à ses trousses, on n'a d'ailleurs toujours pas vraiment compris pourquoi (il serait un "ennemi de l'Etat russe", un "espion") ; néanmoins il réussit, sans se faire jamais arrêter, à traverser toute la Russie, depuis Irkoutsk (ville proche du lac Baïkal) au fin fond de la Sibérie... jusqu'à Moscou et l'ambassade de France, d'où il cherchera ensuite à gagner la frontière estonienne.
Le film raconte essentiellement sa fuite éperdue et à ce niveau-là, comme thriller, ça tient à peu près la route. Même si on se demande pendant deux heures du film s'il est ou non la victime innocente d'un mystérieux "complot" étatique ; on l'accuse d'avoir diffusé des documents pédophiles sur internet et de s'être livré à des attouchements sur sa fille de 5-6 ans, et il est, après instruction sommaire des prétendus faits délictueux, condamné à 15 ans de travaux forcés... auxquels il décide d'échapper en s'enfuyant.
On se pose beaucoup d'autres questions tout au long du film. Entre autres, sur la teneur des brutalités subies lors de son séjour dans les geôles russes. Suspense maintenu jusqu'au bout.
Il y a aussi une romance avec une traductrice russe, lui (Mathieu Roussel) étant directeur de l'Alliance Française à Irkoutsk, et elle le suivant ou l'accompagnant pendant toute son odyssée à travers l'immensité neigeuse russe, l'aidant autant qu'elle peut (car... l'irrésistible charme français).
Tout ça, on le répète, est invraisemblable et repose entièrement sur les épaules de Lellouche qui essaie, tant bien que mal, d'emporter notre conviction.
Que dire de plus du métrage ? Qu'il nous rassasie de sensations fortes ? À peine. En tout cas, il ne va sûrement pas améliorer les relations franco-russes, ni l'image du cinéma français en Russie. Psychologie sommaire, ridicule des personnages, etc., je ne vais pas m'appesantir davantage. Ce que je pense du film, je l'ai dit avec les quatre mots de mon titre.
On peut ajouter que, comme tel, Kompromat se regarde, ou plutôt se consomme.