L'abbé pierre est une figure emblématique, charismatique et inattaquable de la France de la deuxième moitié du XXème siècle.
Son itinéraire, qui le conduisit d'une enfance bourgeoise vécue dans une famille d'industriels lyonnais en passant par la vie monastique, la prêtrise, la résistance, la politique pour devenir l'étendard de la lutte contre la misère et la fatalité est édifiant .
Il devint ainsi une figure médiatique incontournable et le bâtisseur infatigable d'une multitudes de structures de charité et d'aide aux plus démunis.
C'est ce parcours hors normes que tente de nous raconter le film de Frederic Tellier.
Incarné avec brio et force par le formidable Benjamin Lavernhe qui crève littéralement l'écran, c'est un Abbé Pierre plus vrai que nature qui occupe chaque plan du film, de la première à la dernière minute .
Son charisme, sa colère, sa révolte permanente, sa volonté en acier trempé, son intransigeance face à la fatalité sont saisissants et particulièrement bien retranscrits.
C'est le gros point fort d'un film qui malheureusement n'en aura pas beaucoup d'autres....
Si les règles élémentaires du "Biopic pour les nuls" sont bien présentes dans cette production qui , contrairement à ses protagonistes, ne semble pas manquer de moyens, le résultat n'est malheureusement pas à la hauteur de l'enjeu .
Les personnages secondaires sont survolés, réduits à une peau de chagrin et privés de la moindre trace de profondeur par un scenario plus que manichéen.
L'aspect religieux du personnage principal est quasi absent ou minimisé à outrance dans un film qui finit paradoxalement par mettre en valeur des prises de positions anticléricales.
La photographie est une accumulation de plans serrés bringuebalants baignés par une lueur hivernale lugubre et permanente. Si Aznavour chantait que la misère serait moins pénible au soleil, ne la retranscrire que dans le gris, la pluie verglacée et des arbres sans feuilles est un parti pris de mise en scène limité qui sombre dans le cliché total, qui finit par priver le film d'une certaine véracité.
Le résultat de ce biopic consacré à l'Abbé Pierre est à des années lumières des mêmes exercices de style consacrés à Cousteau , Mesrine ou Claude François qui ,au delà du parcours de leurs leurs personnages, étaient de vrais bons films de cinéma. Ce n'est pas le cas de cet Abbé Pierre version 2023 qui entraine le spectateur dans un ennui poli, mais réel .
On lui préfèrera d'ailleurs, Hiver 54, l'autre film consacré à l'Abbé Pierre avec Lambert Wilson (pourtant moins brillant dans le rôle que Benjamin Lavernhe) il y a une trentaine d'années.