Une chronique familiale délicate comme une caresse. L’éclatant “The Farewell” soulève de nombreuses questions sur la transmission des traditions, le poids de l’héritage et des tabous, le va-et-vient entre les cultures et les contrastes épineux entre les membres immigrés et non immigrés au sein d’une même famille.
Celle de Billi (glorieuse Awkwafina) se réunit en Chine à l’occasion d’un drame à venir : le décès annoncé de sa grand-mère et doyenne Nai Nai (adorable Zhao Shuzhen), en proie à un cancer du poumon fulgurant. Refusant de lui avouer et de la laisser mourir dans la peur, ses proches organisent un mariage précipité pour lui assurer une ultime salve de bonheur, et décident de porter ensemble la tristesse du deuil à venir. En partie autobiographique, la perspective de la cinéaste sino-américaine Lulu Wang privilégie subtilement la catharsis plutôt que d’attaquer de front son dilemme identitaire. Cela lui permet de nous faire rire et pleurer, en mandarin comme en anglais, tout en proposant une approche fascinante sur le détachement lié à l’appropriation d’une double culture.
Doux tableau aux nuances fleuries, “The Farewell” est imprégné des valeurs occidentales et de la sensibilité stylistique des films indépendants américains, mais traduit un respect sincère pour la culture chinoise et ses singularités. Authentique, il la présente telle quelle : la langue, la nourriture, les gens, le pays ; sans jugement ni compromis. Il documente les peines qui traversent les parents immigrants, qui ont travaillé si durement afin que leurs enfants puissent jouir d’une stabilité qu’ils n’ont jamais eue, s’épanouir et saisir les opportunités d’un monde soit disant meilleur. Et lorsque leurs enfants se débattent, il en résulte une douleur et un sentiment d’impuissance presque intimes, dus en partie à leurs propres insécurités et paradoxes, et à leur envie d’y croire coûte que coûte.
Direction confiante, regard emphatique, composition précieuse : Wang joue soigneusement avec l’espace et l’alignement de ses décors pour sublimer chaque mouvement; un contour naturaliste taillé pour son crescendo émotionnel. Grâce à cette largeur de champ, elle révèle tout l’amour derrière le chagrin. Une leçon formidable, qui apprend à reconsidérer chaque vie non comme un hasard cosmique et solitaire, mais comme la partie organique d’un équilibre bien plus grand. Comme l’étoile d’un ciel.