Jean-Pierre Faure (D.Auteuil) est un type triste et taciturne. Il restera tout au long du film, malgré l'attention que lui porte la réalisatrice Nicole Garcia, un homme étrange et impénétrable. Le film n'est pas précisément un film à suspense, d'autant moins que le cas authentique dont s'inspire la cinéaste nous est connu, d'autant moins aussi que le dénouement abominable, s'il avait été érigé en spectacle, eut été du plus mauvais goût.
Ce dénouement, Nicole Garcia l'évoque avec la pudeur qui convient. Faure est cet époux et père de famille qui parvient à faire croire à ses proches, pendant des années, qu'il est à Genève une sommité de l'OMS. Il s'est enfermé dans un mensonge -qui n'est pas celui d'un cynique ou d'un mythomane- qu'il entretient au jour le jour par des départs et retours, par des indélicatesses pour répondre à sa condition de cadre supérieur aisé.
La réalisatrice ne donne pas dans le fait divers; son film est pour l'essentiel une étude de comportement qui ne propose d'ailleurs pas de conclusions psychologiques. Faure est une énigme et le restera. La mise en scène est habile, qui dessine par touches successives, y compris en brouillant la chronologie des incidents, la personnalité et le cheminement de Faure jusqu'à évoquer l'origine de son mensonge.
Daniel Auteuil fait une composition douloureuse et grave d'un homme sans fantaisie, qui subit plutôt qu'il n'agit. Il contribue à voir dans "L'adversaire" tout autre chose que le portrait réducteur d'un "monstre".