Trois portraits, trois histoires d'amitié

Alain Cavalier fait le portrait filmé de trois de ses amis ou couples d'amis. J'ai assez peu goûté le premier, ai trouvé le 2ème hyper intéressant et assez aimé le 3ème.

Le premier est celui de Boris Bergman, un parolier célèbre pour sa collaboration avec Alain Bashung. C'est le portrait que j'ai trouvé le moins réussi. Je ne saurais vous dire pourquoi, sinon que j'ai moins perçu l'homme qu'il était. Il m'a donc moins concerné. J'ai essayé d'être attentif, mais... je n'accrochais pas. Et bizarrement, je ne pourrais pas vous dire grand chose de ce premier portrait.

Le deuxième est celui du producteur de films Maurice Bernart (90 ans, très soigné et encore beaucoup d'allure) et, plus en retrait, celui de sa femme Florence Delay (83, et beaucoup de chic elle aussi), actrice et écrivaine (de l'Académie française). Cette partie-là, la plus étoffée des trois, je l'ai trouvée passionnante. Maurice Bernart a notamment produit Thérèse, le film de Cavalier qui a eu le plus de succès en France et dans le monde et grâce auquel le réalisateur a pu vivre sans aucun souci financier pendant plus de dix ans. Florence Delay a été la Jeanne d'Arc de Robert Bresson et, comme écrivaine, a été primée plusieurs fois. De grands bourgeois évoluant dans le milieu des arts. Je n'en dis pas trop sur eux pour vous laisser le plaisir de le découvrir.

Le troisième portrait est celui de Thierry Labelle, coursier de métier (livrant à moto des prothèses dentaires aux quatre coins de l'Île-de-France) et qui jouait dans le film de Cavalier Libera me sorti en 1993. Un portrait fouillé et assez vivant de lui, de sa vie professionnelle et sa vie de famille (une femme, un fils). Quelqu'un de bon vivant, volubile et très à l'aise devant la caméra de Cavalier à qui il semblait faire complètement confiance.

Cavalier est un cinéaste de talent et d'expérience, doublé d'un homme d'une grande délicatesse. Les trois portraits sont ceux de trois vrais amis. Comme dit plus haut, impossible de vous dire pourquoi je n'ai pas accroché au premier. Pourtant, ce Boris Bergman est un homme de mots, puisque parolier célèbre ; ça aurait dû m'intéresser, mais non.

Par contre, j'ai beaucoup aimé la partie centrale. Maurice Bernart (que Florence Delay appelle parfois "Mau-mau"), lui aussi, faisait complètement confiance à Cavalier. Il faut dire qu'ils se connaissent et se fréquentent certainement depuis une quarantaine d'années minimum. Et qu'ils ont fait un grand film ensemble, ce Thérèse, chef d'oeuvre de Cavalier (que je n'ai toujours pas vu, shame on me !). Par certains côtés, notamment l'amour des objets du quotidien (ce qui nourrit ou habille), cette partie du film m'a rappelé Pater, film sorti en 2011 et dont j'avais fait alors la critique https://www.senscritique.com/film/pater/critique/66984553

Douze ans plus tard, Alain Cavalier, nonagénaire ayant toujours, semble-t-il, bon pied, bon oeil, toujours muni de sa petite caméra portative (et enregistreuse des sons, j'imagine), continue de filmer au plus près les hommes et le monde dans lequel ils vivent. Il a le sens du cadrage, de la lumière, des plans qu'il faut faire ou pas. Le montage de son film est archi propre. On passe d'une partie à l'autre en un quart de seconde. Réaliser paraît tout simple, couler de source. Cavalier met de la magie, de la poésie, dans tout ce qu'il regarde. C'est magistral.