En contrepoint du cinéma réaliste, quoique ancré dans la même réalité économique mais divergent de son point de vue dramatique, Il mattatore (L'arnaqueur littéralement) est une sympathique comédie très vivante et pleine de rebondissements qui narre les aventures de Gerardo Latini (l'incroyable Vittorio Gassman, homme aux multiples personnages dans le film), roi de l'embrouille et de l'arnaque.
La famine, la pauvreté, l'insalubrité, … autant de maux contemporains affectant l'Italie mais dont Dino Risi se détourne habilement, car il sait qu'il faut rire de sa misère pour mieux la supporter, et si les grands bourgeois peuvent en faire les frais, le peuple n'en rira pas moins. Cette misère, il la relègue donc en arrière-plan, à travers le personnage secondaire et indéfectible complice de Gerardo. Ce dernier, au contraire de son ami, est gentiment loti dans son intérieur petit bourgeois et sa vie réglée de couple; pourtant il cherche à s'en s'évader comme d'une prison, par la pensée d'abord, à travers les souvenirs qu'une analepse introduit au détour d'une rencontre «fortuite», puis par un coup monté, le dernier du film, clou du spectacle, dans lequel il se venge des liens qu'on a voulu lui imposer.
Véritable fenêtre ouverte pour une classe populaire suffocant dans sa crasse, Il mattatore enchaîne les situations comiques et retournements de situation provocant un sentiment de jubilation chez son public, la comédie devenant ainsi une catharsis pour celui-ci. Que le film ait vieilli et l'humour en soit un peu terni, ça ne lui enlèvera pas ce mérite.