Amoureux ou bien noir, quelquefois dans les yeux, mais le plus souvent dans le vague, le regard d'Adèle Haenel vaut à lui seul tous les mérites du nouveau film d'André Téchiné. Tout le jeu de cette actrice merveilleuse passe par ses yeux qui laissent passer la multitude d'émotions du personnage d'Agnès Le Roux. Émotions que les autre personnages, d'ailleurs, n'ont même pas l'attention nécessaire de les entrevoir. Le regard souvent dans le vide, il est pourtant évident pour le spectateur que cette femme, petite libraire et fille d'une des plus riches propriétaires de la côte d'Azur, recherche des yeux qui daignerait la regarder. Puisque ni sa mère, ni son amant ne la comprennent vraiment. Alors y a-t-il eu meurtre ou suicide ? Ce regard plein de désespoir nous donne plus d'un indice...
André Téchiné n'a pas son pareil lorsqu'il s'agit de faire d'un fait divers une véritable épopée romanesque. L'affaire Le Roux - Agnelet est une lente descente aux enfers pour Renée Le Roux et Maurice Agnelet, tous deux responsables et victimes de leurs actes respectifs avec au centre Agnès, qui récoltera toutes les erreurs menées par ses proches.
Avec certes moins d'originalité que dans La Fille du RER, la délicate affaire Agnès Le Roux est ici aussi adaptée avec intelligence, faisant de cette mystérieuse affaire criminelle, un subtil portrait psychologique des protagonistes. Loin d'être un lourd constat, Téchiné fait passer les non-dits de cette affaire dans le regard de ses acteurs dont il réussit, une fois de plus, à en dégager des performances de tout éclat. En ce qui concerne Guillaume Canet par exemple, la tâche était ardue, mais le cinéaste tire de son acteur un jeu intense et juste.
L'Homme qu'on aimait trop raconte les désillusions de personnages broyés par les désillusions du luxe de la côte d'Azur. Même s'il n'est pas le film d'André Téchiné le plus étincelant, il reste un bel exemple du savoir-faire du cinéaste à l’œuvre si singulière.