La Chute, ça été pendant longtemps cette scène de fureur parodiée à toutes les sauces. Une erreur terrible dans ma filmographie tellement cette période de l'histoire m'intéresse. Erreur dorénavant corrigée.
Exercice difficile que de faire un film sur les derniers jours d'Hitler, sur la chute du IIIè Reich, la fin de 12 ans de fanatisme, de guerre éclair, de génocide, de conquête épique en pleine steppe russe, la fin d'un rêve qui s'appeler Le Grand Reich (un rêve pour les nazis évidemment, pour les autres, ainsi que pour la Wermarcht, tout cela n'a été que cauchemar)
Il fallait du cran pour aller faire un film sur Hitler, surtout pour faire un film réussit, un film où Hitler n'est pas ce fou désarticulé qui serait en fureur h24 et qui déteste tout le monde. Mais un Hitler qui, enfermé dans son bunker sous la Chancellerie, avec ses "fidèles", sa future femme, ses femmes d'honneurs. Un Hitler désabusé, lâché par Himmler (pas étonnant quand on connait le personnage), Goering (pas étonnant quand on connait le personnage), Fegelein, Speer, et bien d'autres encore. Oui, on aurait presque de l'empathie pour cet homme. Par de l'empathie au point d'oublier ce qu'il a fait, pas de l'empathie pour Hitler. Mais de l'empathie pour l'homme seulement lâché par ceux qui étaient encore plus fanatique que lui.
Autant que le film, critiquer La Chute est un exercice difficile tant le sujet est sensible. Mais allons-y, allons droit au but. Pourquoi ne pas accepter que les nazis et en partie le système nazi et Hitler provoque une certaine fascination. De ce mec parti de rien qui à force prise de parole à Munich est devenu l'homme le plus puissant du monde. Plus rapide a été l'ascension plus terrible a été La Chute.
Parlons de cette performance immense de Bruno Ganz qui force l'admiration. Absolument parfaite. Le casting est formidable de bout en bout. Eva Braun est remarquablement interprété par Juliane Köhler. Mais une performance sort du lot, Ulrich Matthes. Parce qu'aller interprété le plus fanatique des nazis qu'était Goebbels. On a presque l'impression que c'est le vrai...ce regard, cette froideur, cette admiration du maitre, son empathie quand il sait que c'est fini pour lui. Sa performance est monstrueuse. Mais dans l'ensemble tout le monde est bon et excellent. La scène du suicide organisé de ses enfants est terrible.
La chute du nazisme se fait alors ici en 2h30, Antony Beevor l'avait raconté en 600 pages. 2h30 qui montre la lente chute de l'empire nazi qui s'était amorcé depuis le défaite de Paulus à Stalingrad. Cette lente chute où Hitler s'enferme dans les contre-attaque et admet qu'il veut la propre destruction de son Allemagne et de ce peuple qui a été lâche.
j'ai une profonde admiration pour les allemands qui arrivent à se mettre face à leur histoire avec tant d'intelligence. Avec tant de réalisme. Avec tant de prise de risque, en montrant l'homme le plus détesté du monde, en cassant la possibilité de l'idolâtrer en le ramenant à sa simple condition d'homme, a son enveloppe humaine. En le faisant redescendre de cette forme d'inhumanité qui l'entoure dans l'inconscient collectif.
Un "biopic" remarquable sur la chute du IIIè Reich, la chute d'un homme, d'un système, d'une idée politique raciste et nationaliste qui aura conquis nombre d'allemands. Pas la chute du parti le plus meurtrier (Staline a fait encore mieux !...enfin mieux...). En fait la fin d'Hitler, la fin de quelque chose qui n'existera plus jamais car Hitler a déjà existé, a déjà trop existé. Il nous a enlevé notre naïveté.
Un film terriblement immersif bloqué dans ce Bunker, mise en scène simplement et magnifiquement, joué parfaitement. Fort en émotion et terriblement réaliste. Claquant, choquant, intelligent. Il vient ridiculiser tout ce qui a pu se faire sur le dictateur allemand en le ramenant simplement à sa condition d'homme. Un grand bravo à ce film d'une grande intelligence.
PS : A mettre en lien avec l'excellent bouquin d'Antony Beevor :
http://www.senscritique.com/livre/La_Chute_de_Berlin/421217#