C’était sympa.
Un film qui a pour lui de m’avoir baladé tout du long sans que je comprenne vraiment où il voulait en venir. Qui commence comme une pièce de boulevard type Le Repas des fauves, avec sa troupe de bons camarades attablés et bientôt interrompus par un intervenant extérieur – me faisant imaginer qu’il s’agirait d’un huis clos dans le même délire –, mais qui bifurque en fait rapidement dans une autre direction, plus intéressante : celle du film de vengeance vicieuse, celle qui voit son personnage détruire méthodiquement sa cible, sans arme ni violence, mais en l’ébranlant émotionnellement au point de le conduire à sa perte de lui-même, sans avoir à se salir les mains (un peu dans l’esprit de ceux interprétés la même année par Fresnay dans Les Condamnés ou deux ans plus tôt par Jouvet dans Un Revenant, pour ceux qui les auraient vus).
Un spectacle (celui d’un piège qui se referme progressivement sur sa proie et d’une déchéance psychologique qui la cuisine à petit feu) toujours savoureux… mais qui n’est en fait pas la finalité de ce récit (contrairement à ses deux homologues cités plus haut), qui embraye ainsi sur une dernière partie, que je ne dévoilerai pas (histoire de ne pas déflorer toute l’intrigue à ceux qui se laisseraient tenter et leur laisser un peu de surprise), mais qui m’a continuellement intrigué, n’ayant vraiment aucune idée d’où voulait in fine me mener le film, jusqu’à sa conclusion… pour le coup un peu abrupte, si je devais formuler un reproche.
Mais un récit plaisant de bout en bout sinon, sur fond d’amitiés de longue date, fatalement souillées au fil des décennies par les absences, les déceptions et trahisons, les rancœurs et jalousies, cela au gré des réussites des uns et échecs des autres, des petits mensonges et alibis, voire des drames (en l’occurrence ici un décès, et la culpabilité qui va avec pour le « responsable »). Comment le temps nous sépare, finalement (sa fé réfléchire)... Et pas la peine d’être un auguste quinqua comme les personnages de ce film pour apprécier ce thème à sa juste valeur il me semble – n’étant moi-même que dans ma vingtaine (flamboyante, je vous remercie).
Alors on est sur de l’ouvrage sans fioriture, certes, l’inconnu au bataillon Jacques Daniel-Norman emballe le truc sans génie (mais bon, Clouzot, Cayatte et Duvivier – les patrons d’alors que j’estime volontiers susceptibles de s’emparer d’un pitch pareil – ne pouvaient hélas pas être partout à la fois), c’est de la mise en scène très fonctionnelle sans fulgurance ; mais c’est porté par un Charles Vanel impeccable (comme tout le temps, jusqu’à preuve du contraire) et un Pierre Larquey pas moins impeccable en raté faux derche (faut dire qu’il a la gueule de l’emploi), donc le spectacle est assuré.
Bref, plutôt bonne surprise.