Bien qu’il ait été semble-t-il fait pour son actrice et compagne Catherine Hessling, La fille de l’eau n’en demeure pas moins un bel essai pour Renoir : Prélude/inspiration à L’Atalante, de Jean Vigo, notamment durant les premières minutes se déroulant sur une péniche. On pense aussi beaucoup à Epstein, pour cette séquence principalement qui tend à mélanger le rêve éveillé et le cauchemar, le drame et le burlesque. La fille de l’eau s’ouvre sur un plan d’eau, une rivière, qui pourrait être un plan de la fin de Partie de campagne ou de celle de Boudu sauvé des eaux. On peut donc dire que le premier plan du cinéma de Renoir – En mettant de côté son tout premier film, coréalisé, qu’il est impossible de voir – est un plan d’eau. Il annonce quasi toute son œuvre. La fille de l’eau, certes maladroit dans sa globalité (jusqu’au jeu de Catherine Hessling et son côté sauvage dévoré par ses incessantes grimaces) est un film passionnant sur plein d’aspects dans la mesure où l’on sent Renoir en rodage, s’essayer au burlesque, au mélodrame, à la narration ample et aux rencontres (Gudule et son père, Gudule et son oncle, Gudule et le braconnier, Gudule et le garçon de bonne famille) mais surtout au réalisme poétique d’un Chaplin : Gudule, si elle évoque d’autres personnages Renoirien à venir (notamment ceux joués par Michel Simon) rappelle surtout les Charlot vagabond et consorts. A noter que la copie à ma disposition étant totalement dépourvue de bande sonore, j’ai choisi d’accompagner le film avec un disque de ma collection, ici le Passagenweg de Pierre Yves Macé, choix surprenant dans la mesure où c’est plutôt un disque urbain quand La fille de l’eau est un film rural. Et pourtant c’était très bien, complémentaire, ça accentuait la dimension onirique, offrant des transitions magiques et de belles correspondances hasardeuses.