Ce film de Wong Kar-Wai est un cas particulier de moyen-métrage (46 minutes). Typique de l’univers du cinéaste, c’est une œuvre à part entière. Première observation, le violon qui hante la bande-son comme dans « In the mood for love ». Ensuite, une esthétique à tomber par terre (plans presque furtifs de main sur du tissu) et des moments de pure sensualité. On observe également de longs couloirs d’hôtel comme dans « 2046 ». Et puis Wong Kar-Wai est un maître dans l’art de faire sentir certains détails en faisant comprendre ce qui se passe hors champ. De plus, comme dans « In the mood for love » il se plaît à raconter une histoire d’amour impossible. Comment passer à côté également de l’aspect vestimentaire ?... Ici c’est Gong Li le personnage central féminin. Aussi belle et élégante que Maggie Cheung dans « In the mood for love » elle passe de robe en robe, toutes plus somptueuses les unes que les autres.
Cela se passe à Hong-Kong (1963 d’après la jaquette du DVD). La très belle Mlle Hua (Gong Li) reçoit un jeune homme qui sera son tailleur. Mlle Hua est très exigeante, voire sévère et hautaine. Le jeune tailleur, M. Zhang (Chang Chen) est très intimidé à leur première rencontre. Une rencontre qui va le marquer à vie. Mlle Hua sent la gêne de Zhang. Elle s’en amuse et le provoque avec sa main. Ce qu’elle veut, c’est lui apprendre le désir, pour que ce désir l’inspire dans son travail. Les confortables revenus de Mlle Hua lui proviennent de ses relations avec les hommes, alors elle sait comment s’y prendre.
Mlle Hua a évidemment d’autres chats à fouetter que Zhang. Entre eux, une relation équivoque s’établit. Zhang travaille beaucoup et la rassure à l’occasion (en mentant sur le tour de taille qu’il lui mesure). Les circonstances les séparent et on hésite par moments à comprendre ce qui se passe. Wong Kar-Wai joue avec tout cela en utilisant un découpage-montage complexe. L’action du film est en effet scindée en deux périodes distantes de plusieurs années. Charge au spectateur de déterminer quelle séquence appartient à quelle période. Pendant une période, Zhang observe ou plutôt écoute Mlle Hua en étant dans un appartement contigu. Au moment où il ose frapper à sa porte, il retrouve une femme aux traits émaciés qui lui recommande de ne pas la toucher parce qu’elle est contagieuse. Elle va jusqu’à dire qu’elle avait un corps et que celui-ci l’abandonne. On devine de quel genre de maladie elle souffre.
Le film souffre à mon avis de faire partie d’un projet commun. En effet, il est au programme du film intitulé « Eros » (2004) dont les deux autres titres sont « Le périlleux enchainement des choses » d’un Michelangelo Antonioni diminué (un film qui m’a laissé indifférent) et « Equilibre » (noir et blanc, agréable mais anecdotique) de Steven Soderbergh. Regarder « La main » isolément peut surprendre puisque le générique de fin tient compte des 3 œuvres.
La réussite esthétique est là. Wong Kar-Wai assume la redoutable position de troisième réalisateur à arriver à l’écran. En ce qui me concerne, j’ai un peu de mal à me concentrer correctement sur 3 univers différents sans réelle pause, malgré un thème commun évident. Ce film m’ayant été recommandé par emmanazoe, je lui ai accordé l’attention qu’il mérite et l’ai vu isolément. Vu 2 fois pour bien assimiler la complexité du scénario, afin d’en rendre compte aussi correctement que possible. Je pense que c’est l’autre faiblesse relative de ce film. Wong Kar-Wai fait ici souvent dans l’ellipse et il faut s’accrocher pour le suivre.
Sinon les inconditionnels du maître admireront sa capacité à captiver par des cadrages mystérieux, sa façon d’approcher sa caméra des protagonistes de façon furtive, pour faire du spectateur une sorte de curieux très discret. A noter également que Mlle Hua est montrée en contre-plongée accentuant sa position de dominatrice au temps de sa splendeur, puis pitoyablement allongée sur un lit au moment de sa déchéance, etc.
Enfin, si le film est d’une grande sensualité qui ne fait pas mystère de ce qui se passe à certains moments, il reste pudique.