La Sainte Famille prend pour objet d'étude une famille d'aristocrates, avec peut-être tout ce que cet univers peut avoir de plus horripilant ; pratiques étranges (vouvoiement entre parents et enfants, récupération de l'héritage avant même la mort d'une personne, de la grand-mère ici, relations incestueuses, ...), froideur dans les relations (on trouve peu de traces d'amour dans ce film), problèmes de riches (héritage, troubles des origines, ...), immenses appartements et maisons, personnel en permanence en service, ...
Louis-Do de Lencquesaing, dont je suis personnellement un grand admirateur de sa classe méprisante, de sa moue hautaine, de son ton désabusé, de ses personnages de bobos artistico-intellos qu'il ne cessent de jouer, années après années, et qui passe ici derrière la caméra pour ce deuxième long-métrage en tant que réalisateur, incarne le protagoniste de ce récit sans réels enjeux, cet homme profondément déplaisant, ce bloc de flegme que rien ne semble remuer, sur lequel tout glisse, et qui ne fait strictement rien. C'est le privilège de cette classe (très) haute que filme de Lencquesaing que de ne rien faire, que de n'avoir de problème que par le résultat de l'absence d'action de chacun.
Dans cette famille, on ne fait rien, on se plaint du peu qui nous arrive, et on laisse les problèmes être réglés par le silence, l'inaction, ou l'action d'autres à leur service.
Et les secrets de s'accumuler, les fossés entre membres de se creuser toujours plus profondément.
Cette famille dysfonctionnelle, lieu absolu de la névrose selon le personnage principal, et les relations faussement complexes entre générations sont profondément absurdes, parfois très drôles tant elles accumulent les contradictions des personnages et leur incapacité à communiquer entre eux.
C'est une "fin de race" que filme Louis-Do de Lencquesaing, la fin d'une ère, la fin d'une famille aux privilèges énorme qui implose de ses tabous et de ses secrets, le tout traité avec une sorte de lassitude molle. Louis-Do de Lencquesaing traine la patte, se fait traîner et guider dans une vie qu'il ne semble plus gérer, Léa Druker, froide à l'extrême, se comporte comme une bipolaire névrosée, Marthe Keller, la matriarche insupportable, aux faux problèmes qui font déborder le vase de son confort éternel, Laura Smet (peut-être la seule ombre au tableau des interprétations, pas très convaincante), la cousine au rôle ambigu et à l'allure la plus "normale" de tous, ... La Sainte Famille est une galerie de portraits d'aristocrates/de très grands bourgeois aux comportements dégueulasses ou agaçants (souvent les deux en même temps), portés par l'ainée, Bonne, petite étoile dans le ciel faussement nuageux d'un embourgeoisement maladif...
Reste à espérer que ce soit bien ce traitement, ce regard à distance, cette ironie et ce jugement sur ses personnages qui soient la lecture voulue par le réalisateur... et que l'analyse que je viens de faire n'est pas en fait celle de quelqu'un qui préfère ironiser sur le spectacle qu'il vient de voir et le lire à un degré élevé, mécanisme de protection pour s'éviter de penser que ce genre de récit peut être écrit, interprété et réalisé au premier degré, et, ainsi, rester dans le déni d'une telle éventualité.