Pour apprécier un film, et pour ensuite vous en parler, la première règle est de le voir en entier. Une critique basée sur une fraction du film ne compte pas plus que celle pendant laquelle le journaliste s'est endormi. La deuxième règle, c'est de permettre au spectateur de comprendre un minimum ce qui se passe. On peut l'embrouiller, jouer avec lui, le faire réfléchir voir même se poser des questions a posteriori mais le cinéaste doit donner un minimum de clefs pour qu'on puisse s'en sortir.
Mon problème, c'est que je n'ai pas pu suivre la deuxième règle.
John Le Carré a souvent été adapté au cinéma. On retiendra La Maison Russie avec Sean Connery, Le Tailleur de Panama avec Pierce Brosnan ou The Constant Gardener avec Ralph Fiennes. La Taupe est le dernier en date à avoir les honneurs du grand écran après un passage par le petit en 1979 (et Alec Guiness dans le rôle principal).
On va donc suivre George Smiley, espion à la retraite, embauché pour une dernière mission : celle de retrouver une taupe soviétique au sein des services secrets anglais dans les années 70.
Techniquement, le film est irréprochable. La reconstitution des années 70 est brillante, aucun détail n'est épargné. Les décors réels ou non, le choix des costumes, tout est impeccable. Chacun des protagoniste de l'histoire est impeccable et le casting est quatre étoiles (Mark Strong, John Hurt, Gary Oldman, Toby Jones...). Benedict Cumberbatch y confirme, si c'était encore nécessaire, qu'il a tout d'un grand. Quand à la réalisation de Tomas Alfredson, elle est aussi propre que le reste.
Mon problème vient donc essentiellement de l'histoire. Dans sa construction bancale d'abord puisque le film passe du présent au passé sans prévenir et s'offre quelques ellipses temporelles sans que le spectateur ne s'en rende compte. Mark Strong, qui est assassiné dès le début du film, réapparait ensuite vivant sans qu'on comprenne si on découvre son passé ou s'il a survécu. Ensuite, scénaristiquement, chaque petit détail va compter. Pas question pour le spectateur de cligner des yeux ou de s'évader quelques fractions de secondes : ça lui sera forcément fatal.
L'ensemble est déjà très confus au départ mais le réalisateur choisit de s'attarder sur certains personnages plutôt que d'autres, sans doute pour détourner l'attention, mais à tel point qu'aucun des suspects potentiels n'est suffisamment épais pour qu'on s'intéresse à lui.
Au bout des deux heures, on est tellement décontenancé par le récit, épuisé d'avoir vainement tenté de recoller les morceaux que la révélation finale n'a même plus d'intérêt.
Pas question ici de dénigrer le film qui a de grandes qualités esthétiques ou de se contenter d'évoquer l'envie de sieste qui en résulte. mais l'histoire est bien trop complexe, torturée pour qu'un spectateur un peu distrait, un peu fatigué lors de la projection soit immédiatement lâché et ne comprenne plus rien pendant deux heures. Une expérience rare mais qu'on aimerait si possible éviter.