Testament est un délice pour les analystes, et je ne m'étonne pas de découvrir que c'est un film originellement prévu pour la télévision qui a trouvé son chemin dans le cinéma grâce à sa qualité inattendue. Mais en même temps, quelle qualité ? Psychologiquement lacunaire, cinématographiquement pas très beau, Testament donne une vision fade d'une famille américaine moyenne. Oui, sauf que.


Sauf que déjà, c'est une énorme surprise quand on découvre qu'il s'agit pratiquement d'un film post-apocalyptique. En effet, on ne s'attend pas à ce qu'une Amérique dévastée par les bombes atomiques soit le sujet d'un film à petit budget. Ça fait comme une dissonance que Littman, heureusement, exorcise : on s'attendait à du médiocre, au lieu de quoi on tombe sur du compliqué - et pas dans le mauvais sens du terme.


Le style de la réalisatrice est maternaliste et intimiste, un contrepied au film catastrophe qu'elle n'aurait pas pu se permettre chez de grands distributeurs, et c'est ce qui fait de sa vision presque minimaliste d'une town américaine en proie à la contamination nucléaire un monde paradoxalement si crédible. Elle me rappelle La Peste de Camus : l'insistance mise sur le personnage à la fois victime et observateur d'un monde qui s'écroule, constatant l'horreur qui l'entoure avec un mélange de froideur et de résignation croissants. Ici, ce personnage est tenu par Jane Alexander, qui, une fois seule, s'élèvera bien au-dessus du couple dangereusement sitcomesque qu'elle formait avec William Devane.


Tandis que la ville est plongée dans le silence, c'est la même pudeur télévisuelle avec laquelle est dépeinte la mort omniprésente qui en fait quelque chose de plus horrible encore, car il se trouve que froideur et résignation se marient bien avec le minimalisme, donnant à la catastrophe ce côté familier, pesamment possible, et menaçant de proximité. C'est pauvrement représenté par moments, pourtant ce qu'on voit se produire est si intolérable qu'il fait basculer l'esprit humain de l'autre côté de la folie, là où les émotions n'ont plus lieu d'être. Que ce soit mal fait ou non n'a plus d'importance, car les personnages sombrent - c'est indéniable, et c'est terrifiant.


Coup de chance ou inspiration rare, Testament aurait mérité plus de budget. Mais alors sans doute n'aurait-il pas été si térébrant, si poignant quand il appelle à se souvenir de ces millions d'Américains qui sont morts... en rêve.

EowynCwper
7
Écrit par

Créée

le 15 déc. 2021

Critique lue 213 fois

2 j'aime

Eowyn Cwper

Écrit par

Critique lue 213 fois

2

D'autres avis sur Le Dernier Testament

Le Dernier Testament
ALOBE-NAEJ
8

Avis sur "Le dernier testament"

Le dernier testament, réalisé par Lynne Littman et sorti en 1983 est un film post-apo-nucléaire dont l'action se situe dans une petite ville de la région de San Francisco (point d'impact d'une des...

le 26 avr. 2016

3 j'aime

Le Dernier Testament
EowynCwper
7

Un délice pour les analystes

Testament est un délice pour les analystes, et je ne m'étonne pas de découvrir que c'est un film originellement prévu pour la télévision qui a trouvé son chemin dans le cinéma grâce à sa qualité...

le 15 déc. 2021

2 j'aime

Le Dernier Testament
lechatvoyeur
7

Critique de Le Dernier Testament par lechatvoyeur

Un petit film qui commence tout gentiment, mais, lorsque la situation se dégrade, un sentiment de malaise surprend le spectateur, car l'ambiance s'alourdit au fur et à mesure que les cadavres...

le 19 juin 2016

1 j'aime

Du même critique

Ne coupez pas !
EowynCwper
10

Du pur génie, un cours de cinéma drôle et magnifique

Quand on m’a contacté pour me proposer de voir le film en avant-première, je suis parti avec de gros préjugés : je ne suis pas un grand fan du cinéma japonais, et encore moins de films d’horreur. En...

le 26 oct. 2018

8 j'aime

La Forêt sombre
EowynCwper
3

Critique de La Forêt sombre par Eowyn Cwper

(Pour un maximum d'éléments de contexte, voyez ma critique du premier tome.) Liu Cixin signe une ouverture qui a du mal à renouer avec son style, ce qui est le premier signe avant-coureur d'une...

le 16 juil. 2018

8 j'aime

1

Mélancolie ouvrière
EowynCwper
3

Le non-échec quand il est marqué du sceau de la télé

Si vous entendez dire qu'il y a Cluzet dans ce téléfilm, c'est vrai, mais attention, fiez-vous plutôt à l'affiche car son rôle n'est pas grand. L'œuvre est aussi modeste que son sujet ; Ledoyen porte...

le 25 août 2018

7 j'aime

3