Alors que les récents Pixar, Dreamworks et autres s'embourbent dans de la performance photoréaliste sans grand intérêt, il y a encore des résistants, comme le brésilien Alê Abreu, qui en reviennent aux racines de l'animation. C'est vrai ça, vous n'aviez pas remarqué que les grosses boîtes de prod animée nous vendent de l'animation 3D très lisse, très formatée, où la sensibilité poétique le cède à la prouesse technique bien vaine ? L'aspect créatif s'y perd au profit du grand spectacle, du divertissement. Il s'agit de t'en foutre plein les mirettes avec des effets numériques cache-misère, et totalement factices puisque tout est designé à l'ordinateur par des équipes de 150 personnes. Le dessin main disparaît et avec lui, la poésie et l'originalité ...
C'est pour cela qu'un film comme le Garçon et le Monde fait un bien fou. Parce que pour Alê Abreu, l'auteur de cette oeuvre splendide, l'animation, c'est le champ de tous les possibles, un espace de création purement permissif où tout peut s'oser d'un point de vue stylistique. Mais cette liberté créative doit d'abord passer par une épure totale du dessin, autrement dit par la déconstruction du fantasme photoréaliste de l'animation productiviste et commerciale. Le trait est magnifique dans son minimalisme, et le style ne s'affaiblit jamais, c'est unique, sublime et toujours cohérent.
Deux cent idées visuelles à la seconde donc, et une approche entièrement poétique et lyrique de l'animation, débarrassée ici de tous ses artefacts inutiles. Je ne connais que quelques cinéastes qui bossent l'animation de cette manière en bras d'honneur aux codes de la grosse production. Il y a bien Alexandre Petrov ou Yuri Norstein, deux russes avec un trait très pictural, mais voilà, ce sera toujours une minorité.
Tant mieux en tous cas, que le film soit distribué dans nos salles obscures, c'est la preuve que le dessin animé artistique a encore de beaux jours devant lui. Et quand je dis artistique, faut pas croire que le bonhomme se touche la nouille en filmant. Non, au contraire, c'est d'une humilité rare, ça se destine aux grands comme aux petits, et ça évite enfin toute la niaiserie et le manichéisme des cadors américains. Et pourtant ... le film est bouleversant, et d'une grande intelligence dans son propos, parfois un poil bourrin, c'est vrai (l'utilisation d'images d'archive en fin de film : beau, mais peu subtil), mais toujours sur le mode de l'apologue et du symbolisme simple.
Bref, foncez avant qu'il ne soit plus à l'affiche, ce serait con de le rater.