Gilles Lellouche nous sort le Grand Jeu. Pari réussi !

D'abord, évacuons toute envie de faire du jeu de mot autour du titre : profond comme le grand bassin, on n'y perd pas pied... lalala.


21 ans après The Full Monty de Cattaneo, Gilles Lellouche nous ressort la même recette, actualisée : une équipe d'hommes paumés se lancent dans une activité où l'ont n'attendrait pas "de vrais hommes" (à prendre avec toutes les pincettes nécessaires), la natation synchronisée masculine ! et iront jusqu'à s'inscrire aux championnats du monde en équipe qui se déroule en Norvège.


Je passe directement aux points faibles du film :



  • deux personnages, Avanish et Basile (dont je découvre les prénoms en cherchant la fiche de casting) qui sont sous abordés, sorte de faire-valoir de la diversité (couleur de peau, légère obésité), duo comique où l'un s'exprime dans sa langue natale et l'autre semble le comprendre "il a raison". Qui sont-ils, pourquoi se sont-ils mis à la natation synchronisée, quelles sont leurs masculinités qu'ils cherchent à exprimer...
    • le duo Delphine - Amanda (superbement interprété par Virginie Efira et Leïla Bekhti) peu exploré.

    • Le film ne s'interroge si le rôle des femmes, fortes dans ce film, est normal, si elles aussi ne souffrent pas de ce rôle et de cette surcharge d'être indéfectible...

    • La résolution du championnat, peu nécessaire, pas réaliste.


Maintenant le film et ses côtés positifs !
On suit donc Bertrand, Laurent, Marcus, Thierry et Simon du côté des hommes, où l'on voit que derrière la facade de l'homme accompli, cis-genre (pour reprendre des propos de genre), pères de famille pour trois d'entre eux, le gap, le gouffre, que dis-je le précipice ouvert de leur mal-être (ou mâle-être ?). On est loin des représentations qui font rêver, que les politiciens appellent en parlant de la France qui gagne, de ceux qui se lèvent tôt pour réussir... On est dans cette tranche médiane qui bascule vers et dans la misère (aussi bien financière que de sens).
Gilles Lellouche s'attache à démonter le mythe et des archétypes de l'homme modèle, qu'il soit père de famille et travailleur respectueux, droit dans ses bottes, ou rockeur souhaitant vivre libre dans son camping-car.
Ces hommes sont brisés, éparpillés façon puzzle et ce sont leurs compagnes ou ex-compagnes qui ont l'air de tenir le coup, de les supporter ou d'avoir pris leur distances vis-à-vis d'eux.
Ces tableaux sont douloureux à voir, on y ressent nettement l'atavisme ou la perte de repère, on sombre avec eux.


Alors vient la bouffée d'oxygène de leur semaine sous anti-dépresseurs : la séance hebdomadaire de natation synchronisée où dans un premier temps, plus que la pratique, ce sont les après-séances thérapeutiques (sauna, vestiaires et bar) qui leur permet de confier leurs coeurs à nu, faisant tomber les masques, où chacun essaye maladroitement de dire qui il est sous les voiles et les constructions de rôle sociétaux.
Mention spéciale à Thierry (interprété par Philippe Katerine) dans le rôle du grand sensible et délicat, coeur généreux (et souvent naïf).


La deuxième partie s'attache à la remonter progressive la pente avec cet objectif improbable : participer aux championnats mondiaux de natation synchronisée masculine. Et c'est fait brillamment, une fois passées certaines incohérences ou légèreté de scenario.
Amanda prend la relève de Delphine et est une entraineuse impitoyable pour faire advenir le meilleur chez cette équipe d'hommes qui nagent dans le grand bain avec autant de grâce que des patates dans l'eau bouillante.


L'un autre trait de ce film, c'est que derrière chaque homme se trouve une femme, dignement et magnifiquement représentée en filigrane, qu'il s'agisse de la compagne ou ex-compagne, entraineuse, ou fille. Elles ont le rôle presqu'ingrat d'être fortes pour deux : pour elle et l'homme qu'elle porte. Seul hic, si c'est un fait dans la société actuelle (le taux de femme diplômée est à présent supérieur que celui analogue pour les hommes, elle se retrouvent en même temps à gérer plus de tâches...), celui-ci n'est pas questionné dans le film. Qu'est-ce qui les fait tenir, pourquoi, quels sont leurs bouffées d'oxygène à elles...
Le couple Marina Foïs - Mathieu Almaric parait improbable et si on connait peu le personnage de Claire, elle parait indémontable quant à sa famille, son foyer et son couple.
Thierry et Delphine développe une tendresse fraternelle, platonique, aux contours bancales de leurs fragilités.


Conclusion
Ce film interroge sur les masculinités et le besoin de sortir du carcan du mec viril, puissant, friqué, beauf, et ça fait du bien à cette époque où enfin celles-ci peuvent s'exprimer et trouver un public à l'écoute (cf le succès de Kid d'Eddy de Pretto, de l'après #metoo).


Foin de blagues lourdingues sexistes, de taille de chibre au vestiaire ou du nombre de femmes draguées, de compétition entre hommes, de femmes objectisées, juste un peu de sensibilité.
C'est un feel good movie qui fait du bien par les temps actuels !

essylU
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le 30 oct. 2018

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essylU

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