Nicolas Winding Refn, c'est un cinéma contemplatif aux films sombres et violents, généralement portés par un casting prestigieux. C'est aussi un cinéma que je ne connais pas du tout; après être passé complètement à côté de Bronson lors du premier visionnage, Valhalla Rising constitue ma première véritable incursion dans l'art du réalisateur danois. Bien plus qu'une plongée, ce fut une expérience saisissante, enrichissante et viscérale.


Dès le début, on sait que Valhalla Rising sera un film aussi beau que long, et qu'il faudra parfois savoir prendre son mal en patience pour profiter au maximum de l'expérience visuelle, scénaristique et sonore. Tout semble être présent pour une raison particulière, les évènements s'enchaînant avec une linéarité terrible n'étant pas sans faire penser à un destin inexorable qui se déroule sous nos yeux.


Destinée d'ailleurs évoquée dans les rêves/prémonitions de One-Eye (bestialement interprété par un Mads Mikkelsen fascinant) qui, borgne et muet, apporte toute une dimension prophétique à cette saga viking glauque et sale, pleine de crasse et de passages ultra-violents. Une attention toute particulière est portée à la vision : faits d'un jeu de regards profond, les plans de caméra alternent entre de la contemplation visuelle expérimentale et des scènes de dialogues salvatrices, la plupart du temps utiles pour renforcer la légende de One-Eye.


Misant tout sur ses visuels, Valhalla Rising se montre presque aussi muet que son protagoniste, établissant toute sa symbolique sur sa photographie, les éléments présents à l'écran, tout en sachant ne pas trop abuser des prémonitions et des passages prophétiques. Il pourrait donc aussi se caractériser par la justesse de sa vision d'auteur, préférant multiplier les passages d'errance agrémentés de symbolisme, plutôt que de créer des scènes entières de dialogues pseudos-réfléchis pour pouvoir y incruster des paroles prophétiques, moralisatrices et symboliques horriblement prétentieuses. Sa vision crée son intelligence, sans qu'il n'étale jamais sa réflexion pour tenter d'avoir une quelconque vision d'auteur (bonjour, Blade Runner 2049).


Jamais pédant, le film de Refn se tient du début à la fin : fidèle à lui-même, il ne contentera pas à la fin ceux qui le trouvaient insupportablement long dès ses 20 premières minutes, achevant même le clou avec un voyage marin d'une langueur pratiquement insurmontable. L'on y ressent ce que vivent les personnages, jusqu'à finir tout aussi exténué, fatigué qu'eux; viscéral et saisissant, Valhalla Rising sait tout autant répugner que fasciner, arborant toujours cette volonté amusante d'achever le spectateur par le trip visuel qu'il nous amène.


C'est donc dans ce trip visuel que ressort le génie de Refn : il arrive, aussi paradoxal que cela puisse paraître, à trouver le beau, l'esthétique dans l'expression la plus basique et sale de la violence guerrière, à toujours rester sur la fine frontière entre la nuance et le sadisme des combats de l'époque. C'est surtout qu'il montre tout sans filtre, sans se soucier de ce qui pourrait choquer ou non le spectateur, ou le faisant en toute connaissance de cause.


Allant crescendo, il se boucle sur une ribambelle de cruauté, tentant même l'élégance dans sa conclusion tout en symboles et en interprétations, sûrement la meilleure conclusion possible à cette histoire de profession de foi. On en sort exténué, bouche-bée, impressionné par toute cette beauté visuelle, et s'il est une chose de sûre, c'est qu'à défaut d'être un grand divertissement, Valhalla Rising, par ses longueurs propices à la contemplation béate, marque le spectateur à vie, dans le bon ou le mauvais côté. Une oeuvre qui ne peut laisser, par définition, indifférent.

Créée

le 28 oct. 2018

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FloBerne

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