Saviez-vous qu'avant Spielberg, c'était James Cameron qui aurait pu réaliser Jurassic Park ? Devancé de quelques heures sur l'achat des droits du livre de Michael Crichton, le réalisateur de Terminator ou Aliens s'est pourtant félicité de s'être fait griller la priorité par tonton Spielberg. À ses yeux, la version qu'il aurait concoctée aurait été moins bonne puisque sa violence l'aurait éloignée du standard tout public. Selon ses propres termes, un "Aliens avec des dinosaures". La suite de l'Histoire, vous la connaissez...
Pourquoi commencer cette critique du Monde Perdu avec cette anecdote ? Eh bien parce que sur le papier, le deuxième volet de la franchise à dinos se révèle assez proche de la suite du Huitième Passager orchestrée par Cameron en 1986.
- Exit la colonie en visite chez nos ancêtres préhistoriques, envoyez les troupes pour ramener les bestiaux.
- La faune bénéficie d'une présence à l'écran bien plus importante que dans le premier.
- La tonalité du film, nettement plus sadique.
Spielberg met (un peu) la pédale douce sur l'émerveillement, en témoignent certaines séquences bien plus horrifiques : les assauts des T-Rex, le carnage dans les hautes-herbes, ou concernant les petits Compsognathus.
Le Monde Perdu n'est pas un film de bonne humeur. Le discours naturaliste ne fait plus dans la dentelle envers les profiteurs et les industriels illuminés. La Liste de Schindler est passée par là ; Spielberg n'a plus peur de se montrer âpre, comme l'attesteront ses deux films suivants, Amistad (sur l'esclavagisme) et Il faut sauver le soldat Ryan (la seconde guerre mondiale).
C'est sûr qu'au milieu de ces fresques historiques, Le Monde Perdu fait office d'intrus. Il faut se rendre à l'évidence : l'intérêt du cinéaste n'y est pas complètement.
La filiation avec l'Aliens de Cameron s'arrêtera donc ici puisque cette seconde incursion en terre jurassique bazarde ses enjeux et personnages à mesure que les minutes défilent. Un rythme inégal où les séquences sous haute tension (dans la caravane ou au campement) le disputent à de vrais creux, surtout vers la fin. De manière plus incompréhensible, la piste paternelle (thème cher à Spielberg) est à peine bossée et certains protagonistes sont purement et simplement dégagés du film lors du grand final. Plus gros et plus fort, tels étaient les maîtres mots de ce Jurassic Park 2, mais il réduit grandement son champ d'action à un divertissement plus automatique.
Ce qui correspond chez l'un des meilleurs conteurs en activité à un bon moment, parsemés d'images qui vous charment la cornée. Puis le bon goût assumé de mêler animatroniques/numérique fait toujours son petit effet (ils sont de toute beauté, une nouvelle fois).Le film peut aussi compteur sur son casting impeccable: Jeff Goldblum savoureux comme toujours, Julianne Moore crédible en paléontologue idéaliste et Pete Postlehwaite efficace en chasseur de dinosaures. John Williams ajoute quelques thèmes bien sympathiques au thème original.
Malgré un ventre mou en deuxième partie, le plaisir est là. Pas du niveau de l'original mais cela reste du divertissement haut de gamme qui a du mordant, mené de main de maître par...le maître.