Or, noir et sang
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C’est un doux euphémisme de dire que le Parrain a influencé bon nombres de réalisateurs. Le Parrain, ce n’est pas qu’une simple fresque familiale dans un environnement de la pègre, c’est aussi et surtout une reconstitution d’époque formidable, que cela soit dans un New York crépusculaire ou dans les contrées paisibles et arides de la Sicile. Dès les premières minutes, on voit le décor et l’arrière du décor de toute cette machination ultra bien huilée. D’un côté, on assiste au mariage de la fille de Don Vito puis hors du bal de la fête, dans les bureaux de la maison familiale, Don Vito rencontre hommes après hommes qui pourraient avoir besoin de ses services. Son phrasé, son calme, sa corpulence en impose. Don Vito, l’expliquera tout de suite, dès sa première apparition. Il n’est pas un assassin, il ne mange pas de ce pain-là, s’occuper de sa famille et le respect des affaires, la confiance mutuelle, sont les seules choses qui l’intéressent.
Les manipulations se font entre hommes de bonnes valeurs et Don Vito est un homme à qui l’on refuse peu de choses, comme le comprendra le producteur de Johnny Fontane qui ne voulait pas faire jouer ce dernier dans son nouveau film. Le jeu d’échec et le mécanisme de chaises musicales presque pacifique de toutes ses familles mafieuses, s’étiolera petit à petit pour laisser place à une mafia plus jeune, moins tactique, aux méthodes plus transgressives comme l’arrivée de la drogue sur le marché, plus avide de pouvoir, où la violence et la vengeance feront la loi. L’œuvre de Francis Ford Coppola met au centre de son sujet la famille Corleone, grande famille réputée et importante dans la pègre, où l’on verra le passage de témoin d’un père à un fils, pour devenir le Parrain. Chez les Corleone, être le Parrain, est une chose que l’on prend à cœur. Après qu’une tentative d’assassinat fut perpétrée contre la famille Corleone, la violence, les règlements de compte, les attentats s’enfileront comme un collier de perles.
Que dire sur cette mosaïque mafieuse alors que tout a déjà été dit ? Que c’est formidable tout simplement. Le film est long, au rythme posé, pour mettre en scène cet univers à la tension réfrénée mais imposante de par le charisme de ces protagonistes. Outre son histoire captivante de bout en bout avec cette construction pyramidale de toutes les étapes qu’il faut « passer » pour devenir le plus respecter de tous, ses personnages à classe phénoménale – toutes les apparitions d’Al Pacino en Michael Corleone sont impérieuses ou Robert Duvall en frère adopté avec sa posture d’une main de fer dans un gant de velours-, la retranscription d’époque et le travail visuel de Coppola, pas aussi impressionnant que dans Apocalypse Now, éclaire un film à la virtuosité sidérante. Chaque plan, chaque morceau de musique, chaque scène, est pensée, écrite, cadrée au millimètre près, presque aucun moment du long métrage n’est là pour boucher un quelconque moment de ballottement. Chaque morceau du film nous immisce encore plus loin dans cet environnement mafieux, en nous apprenant comment doit se comporter un Parrain et de quelle façon il doit gérer sa famille.
Que cela soit pour filmer des grandes séquences de banquets à l’espace foisonnant, des scènes à la violence sèche, ou des plans plus resserrés, tout est magnifique de présicion à part un ou deux instants – la bagarre ratée entre Sonny et son beau-frère -. L'univers luxueux du film n'est jamais surfait, tant dans les costumes que dans les décors, Le Parrain est d'un prestige grandiose. Les moments de bravoures, de classe monstrueuse défilent, comme cette incroyable scène d’enterrement avec un Al Pacino à l’aura tétanisante ou ce montage symbolique sur l’avènement du nouveau Parrain et de son aïeul. La scène où Michael se rend à l’hôpital pour voir son père est d’une minutie dans son montage presque indécente de perfection. La Parrain, premier du nom, de Francis Ford Coppola est un chef d’œuvre, incarné comme jamais, à la stature impressionnante et à l’ambition cinématographique saisissante.
Créée
le 20 févr. 2016
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