Après la semi-réussite de Joshy, Jeff Baena revient avec une adaptation, de fait assez fidèle, d’une partie du Décaméron de Boccace. À un ensemble masculin succède un groupe féminin, en l’occurrence de nonnes (Aubrey Plaza, Alison Brie, Kate Micucci) réagissant à l’irruption dans leur monastère d’un homme en fuite (Dave Franco), se faisant passer pour sourd-muet, exécutant des travaux de jardinage. The Little Hours décrit ce moment du XIVe siècle où l’entrée au couvent se fait si fréquente, et pour des motifs si variés, que le lieu devient une société parallèle… tant et si bien que rentrer dans les ordres deviendra bientôt dans certaines régions un choix proto-féministe. De cette situation découle de la part des autorités de l’Église une tendance au double-discours, quand ce n’est pas à la franche hypocrisie, dont le film tire une part de son miel humoristique. Si Baena pouvait tirer un fil dénonciateur, mais attendu, sur la tendance catholique à dissocier façade et réalité des pratiques, la charge de son film paraît plus dirigée contre un puritanisme américain. Réintroduisant un comique sexuel frontal peu ou prou inexistant dans le paysage de la comédie U.S. actuelle (aussi obsédée que fondamentalement terrifiée par le sexe), il fait ainsi bouger les lignes d’une représentation habituellement codifiée jusqu’à la pure et simple convention (une manière de signaler, sans que la mise en scène ne s’y intéresse, que « ça » a lieu). The Little Hours manque d’une certaine ampleur, peine au démarrage, les irruptions de guest-stars (Fred Armisen, Nick Offerman) apparaissent calculées et conniventes (ce qui n’enlève du reste pas tout à leur efficacité). Le film cependant tient par son ton personnel, minoritaire, quelques intuitions modernistes (traiter le XIVe siècle comme s’il ne différait pas fondamentalement d’un terrain de jeu contemporain). Le choix du milieu filmé n’apparaît pas comme interchangeable, mais la résultante d’un intérêt réel à son égard (à la rigueur, c’est le choix de le traiter en comédie qui pourrait paraître fortuit, partiellement motivé commercialement). Baena révèle de plus, par moments, une sensibilité spirituelle authentique. C’est de ce côté qu’il aurait pu, plus encore, lâcher les chiens. S’il n’a pas l’ampleur de vue des nouveaux génies de la comédie (Jody Hill, Jared Hess), sa contribution est bienvenue, intelligemment motivée, réjouissante.
Lire la critique entière ici.