De toutes les adaptations de l'oeuvre de Victor Hugo, la version de Raymond Bernard, en trois films, pour n'être pas forcément la plus connue n'en est pas moins, sans aucun doute, celle qui restitue le mieux l'esprit et l'époque des "Misérables".
En dépit des réserves d'usage quant à l'importance de certaines scènes par rapport à d'autres -les choix et nécessités de l'adaptation en somme- le film relaye brillamment le postulat humaniste de Victor Hugo. La rédemption de Valjean, le mal engendré par la misère, la volonté révolutionnaire (constituant dans l'ordre les trois parties du film (Jean Valjean, Les Thénardier, les étudiants de l'ABC, si l'on peut se soumettre à ce schématisme) sont les thèmes incontournables au coeur d'une action riche et toujours significative, c'est à dire fidèle à la grande oeuvre originelle.
Le réalisme exemplaire atteint par la mise en scène et qui n'exclut pas, au coeur de scènes plus particulièrement sombres, une esthétique expressionniste, exprime parfaitement, à l'abri du mélodrame, l'âpreté du sujet. Construit autour de trois personnages principaux, Valjean, Javert, Thénardier (Cosette et Marius, plus en retrait, sont même un peu fades), le fim permet à Harry Baur, lequel est entouré de comédiens "mythiques" (Dullin, Moreno, Vanel), une composition superbe à travers laquelle l'acteur restitue avec force et conviction toute la misère et la souffrance qui accablent Valjean.