C'est vrai que j'aurais préféré pouvoir finir ce film quand j'avais 16 ans, mais comme c'était à l'époque du streaming-limité-et-démerdes-toi-pour-trouver-le-moyen-de-regarder-la-suite-maintenant, j'ai du reconduire cela à plus tard. Beaucoup plus tard. 5 ans plus tard, en fait. A l'époque il reflétait ce que je rêvais de vivre : initiation par l'expérience, laisser aller poético-narcissique, ivresse éternelle, aventures fragiles, vraies par ce qu'elles font ressentir, illusoires dans leur manière d'apparaître à la vie. Maintenant je le vois, avec recul, ou en tout cas, avec le temps, je vois mieux. Je peux comprendre la réaction que peut avoir un noble critique après le visionnage du film. Ah, oui, cette fin, mais cette fin c'est de la merde. Et puis, le polaroïd... C'est so hipsto-mainstream ! (Et puis, le squat artistique aussi, sauf que ça, je suis quand même pour) Que foutent ces masques d'animaux ici, ENCORE ? Et cette musique indé ou les gens chantent tout le temps à moitié faux sur des bases instrumentales nazes (mention spéciale au roméo, là) ? Mais je ne souhaite pas regarder un film pour parfaire mon goût. Simplement garder ce que le film nous apprend en soi. Take it or leave it, quoi, merde ! Il ne faut pas totalement renoncer à la naïveté.
En fait, Unmade beds parle d'individus qui ne vivent pas vraiment chez eux : ils vivent dans un squat, quoi. Qui n'ont pas vraiment d'identité : "lost'n'found" le nom du bar, des corps et des esprits sans nom, sans histoire autre que celle qu'ils vivent, des masques. Les traces du passé : incertaines. Et puis pas vraiment de famille non plus: un père qui ne sera jamais autrement que le père des autres. Et Véra... Ben, Véra. Elle bosse dans une librairie trop bien rangée où l'on se perd, entre les rangées qui comme des labyrinthes, ne sont pas vraiment faits pour nous. Ils ont leur logique inhumaine. Mais c'est tout ce qu'on sait. Et puis des enfantillages...
Tout se passe ici, maintenant, sans jamais avoir d'impacts autre que de faire évoluer en substance les deux personnages principaux: la mémoire totalement défaillante de Axl lors de ses nuits d'ivresse, lui laisse simplement une impression qui fait évoluer son caractère : comme lorsqu'on sort d'un rêve, quoi. Expérience quasi-nulle, mais qui laisse une marque, un sentiment, une peur ou au contraire, la disparition d'une peur. Mais, ouais, comme l'enfance, en fait. Et puis, d'une certaine manière, comme un film.
"Unmade beds", le titre fonctionne bien, pas besoin de le changer en un "London Nights" sans substance. Tout est en construction. En intuition. Individus en devenir. Et c'est plutôt bien comme ça. Ça pourrait être autrement, mais le manque de précision de la forme le sauve peut-être d'une sorte cérébralité qui aurait détruit la légèreté dont sont imprégnés les personnages.
Et puis moi j'aime les acteurs sans charisme fort, j'aime les maladresses, on apprend à aimer les fausses notes. Tant pis. Voyager. C'est tout. Autre chose complétera, ou-et, ça complète autre chose. Naïveté et subtilité ne sont pas incompatibles.
Mais, vraiment, vraiment, on aurait pu se passer de la fin. La quête aurait suffi, avec sa fin ouverte. L'espoir que provoque la tendresse des personnages n'avait pas besoin d'être édulcorée par un happy end.