Un post-apo de série A qui serait produit en France en 2023, on aurait du mal à y croire... Ce fut pourtant possible en 1981, suite à la pluie de récompenses récoltées par Christian de Chalonge avec L'Argent Des Autres, son précédent film (Prix Louis-Delluc en 1978, César du meilleur film et du meilleur réalisateur en 1979). L'homme a alors le vent en poupe et tente un pari fou en adaptant Malevil, roman post-apocalyptique rédigé 9 ans plus tôt par le lauréat du Prix Goncourt Robert Merle.
Suite à une catastrophe nucléaire qui a ravagé la planète, un petit groupe de survivants tente de s'organiser pour entretenir la continuité de la civilisation. Mais la tyrannie humaine reprend inévitablement ses droits...
Doté d'un impressionnant casting (Michel Serrault, Jean-Louis Trintignant, Jacques Dutronc, Robert Dhéry, Jacques Villeret ou encore la jeune et formidable Pénélope Palmer qui avait déjà crevé l'écran l'année précédente dans le non moins formidable La Femme Enfant aux côtés de Klaus Kinski) et épaulé par une imparable équipe technique, dont Gabriel Yared à la musique, Malevil aurait certainement pu ouvrir la voie au genre survival en France si le public n'avait pas boudé cet ambitieux projet.
Bardé de symboles introduisant des questions essentielles quant à notre rapport à la nature, l’œuvre s'étend donc principalement dans le domaine de la série A tout en lorgnant ouvertement vers le bis et offre quelques scènes atmosphériques proprement hallucinantes. Ruines calcinées et paysage désastreux deviennent ainsi le terrifiant décors d'une poignée de survivants qui tente plus ou moins difficilement de restaurer une forme de civilisation qui se voit violemment menacée par un autre groupe de rescapés mené par un homme cruel (le fabuleux et angoissant Trintignant) qui a saisi l’opportunité du chaos pour asseoir une autorité proche d’un esprit sectaire et fasciste.
La confrontation entre ces hommes reste d'une modernité époustouflante, à l'instar du message écologique prodigué et de la représentation fertile, voire humaniste, modélisée par les valeurs féminines. Dommage que la fin, visiblement très différente de celle du roman originel, soit aussi bâclée et impertinente face aux différents thèmes développés. Robert Merle, déçu par le projet, a d'ailleurs exigé à ce que son nom soit retiré du générique.
Bref, si Malevil reste une œuvre indéniablement rare au sein du paysage cinématographique français, l'ambition du projet a manifestement dépassé son réalisateur qui ne s'en est d'ailleurs jamais remis (malgré un Docteur Petiot de très bonne facture qui verra le jour en 1990).