Le Da Vinci Code a naguère contribué à exhumer le personnage de Marie-Madeleine, vouée aux gémonies par ces messieurs très catholiques au Vème siècle, et restée dans la mémoire collective sous les traits d'une prostituée. Autant dire qu'elle a parcouru du chemin, la jeune femme de Magdala, contemporaine de Jésus, qui lui oignit les pieds dans une scène restée célèbre. Avec elle, c'est toute la place des femmes dans la religion chrétienne qui est interrogée. Les historiens progressent doucement, à petits coups de pinceau précautionneux. On sait que le sujet est susceptible de fâcher les réactionnaires les plus bougons. Ici, le réalisateur s'engage résolument en faveur de la reconnaissance du rôle central de Marie Madeleine auprès du Messie. Et ça n'est plus une révolution ni un blasphème mais un rééquilibrage : la jeune femme, dont certains affirment désormais qu'elle a été l'épouse légitime de Jésus, était en tout cas probablement l'une de ses apôtres. Peut-être même sa fidèle la plus proche. Et probablement que ça a provoqué un brin de jalousie parmi eux... pourquoi pas ? Il aura fallu en tout cas que ces messieurs l'écartent résolument pour que l'Eglise du Christ puisse se construire sans les femmes. Je ne veux pas aller trop loin pour ne pas dévoiler la teneur de la toute fin de ce beau film, quasiment monochrome et contemplatif. Je peux néanmoins souligner la justesse de l'interprétation de Rooney Mara, parfaite dans sa dignité voilée, et, surtout, de Joaquin Phenix, qui confère à la figure de Jésus une présence impressionnante, comme si son corps massif était mu par une force extérieure qu'il parvient quasiment à rendre palpable. Bref, une relecture bienvenue, loin d'être redondante par rapport aux versions existantes, dont on ressort avec l'impression d'avoir compris des choses jusque là soigneusement occultées bien que déjà affleurantes, sans pour autant avoir subi une leçon dogmatique.