le tragi-comique des vies urbaines

Au cœur de la période faste du cinéma muet, Harold Lloyd, dans le rôle principal, ne se contente pas d'offrir une performance remarquable ; il incarne également les aspirations et les contradictions d'une société états-unienne en pleine mutation.

"Safety Last!" paraît une représentation satirique du rêve américain. Le protagoniste, déterminé à réussir en ville pour impressionner et conquérir sa fiancée, se trouve confronté aux réalités brutales du capitalisme. La célèbre scène où Lloyd escalade un bâtiment symbolise cette quête acharnée du succès, soulignant par la même occasion les dangers et l'absurdité de l'ambition démesurée encouragée par le nouvel ordre économique.

L'urbanisation rapide et les transformations sociales du début du XXe siècle fournissent une toile de fond cruciale pour "Safety Last!". Le film capture l'agitation de la grande ville, les espoirs qu'elle couve, les opportunités et les pièges. Lloyd dépeint avec brio le petit homme face à la grande ville, l'espoir de mobilité sociale (représenté par l'escalade du bâtiment mais également par la scène de l'échelle, où Lloyd prend garde à ne pas "passer sous une échelle", geste qui pourrait porter malchance à ses désirs d'ascension).

La relation entre Lloyd et sa fiancée reflète les normes sociales et les attentes en matière de genre de l'époque, où l'homme se doit d'être le pourvoyeur et la femme, l'attente passive du succès de son partenaire. Toutefois, en représentant un homme prêt à risquer sa vie pour atteindre le succès et gagner le cœur de sa bien-aimée (ces deux ambitions étant rigouresement entrelacées), "Safety Last!" interroge sur la durabilité et la justesse de ces normes (on ne peut s'empêcher lorsque le film s'achève, de se dire qu'il faudra bien un moment que le personnage "tombe le masque" et révèle à sa compagne qu'il n'est pas le "manager" qu'il prétend être, mais bien un simple employé).