Pas la peine de présenter le bonhomme, JJA c'est un crack, le « Besson regardable ». Nul n'oserait le nier. Par hasard, ne sachant guère comment occuper ma soirée de lendemain de gueule de bois, je tombe sur un téléfilm plat, où les acteurs jouent avec le cul, se balancent des répliques plus cuculs encore, sur un événement finalement triplement plus cul qu'est celui de l'incendie (pour grande part maîtrisé, donc une forme de non-événement de l'Histoire, on y reviendra) de l'église Notre-Dame. Horreur et consternation, ledit téléfilm est signé Jean-Jacques Annaud, ou devrait-on dire Annault tant les mécènes Pinault, Arnault et autres parasites milliardaires ont sorti le portefeuille pour financer le tourisme en France, JJA, ce crack vous dis-je, n'a pas sorti son chéquier, perdu quelque part dans les îles caïmans mais sa caméra, et a donc produit le téléfilm qui n'en était pas un mais visiblement un vrai métrage.
Le film questionne : JJA est-il sénile ou un génie ?
Passons outre le jeu d'acteurs, le caméo grotesque d'Hidalgo, les clins d'œil au bel Emmanuel Macron avec son sexy regard d'homme d'état investit et inquiet pour son église qui prend feu... on a là un pur film américanisant type World Trade Center qui donne dans le thriller hyper sérieux, où les pompiers de Paris font office d'Avengers-françois, sur un (non-)événements récent de l'Histoire nationale française. Déjà, plaqué sur l'histoire française un style purement thriller-catastrophique américain c'est questionnable en soit. Mais de ce point de vue, JJA est-il sénile ou un génie ? Sans doute ce dernier, comprenant que l'américanisation de la France étant actée, s'est dit qu'il était de bon ton de piocher là-dedans. La question est donc de savoir s'il fait exprès ou non de nous sortir ces affreux codes cinématographique, nul ne sait. Le résultat étant un film au style vraiment plat, sans saveur, et le seul potentiel intérêt du film réside dans les scènes de flammes. Oui c'est joli cette charpente brûle, à un point qu'on en comprend les black-mettaleux norvégiens. Et c'est triste à dire mais en terme de cinéma ça s'arrête-là. Avengers avec de belles flammes. Donc > 1. Si je veux voir de belles flammes, je vais faire un feu quelque part. Putain de citadins de mes couilles.
Que JJA, réalisateur de la Guerre du feu, aime filmer les flammes, soit. Le Nom de la rose se conclut bien sur un monastère en proie au brasier. Mais pourquoi Diable choisir d'investir du temps et de l'énergie dans un incendie aussi plat ? Pour surfer sur une histoire récente, certes, j'en conviens. Mais qu'une église brûle, c'est chose courante dans l'histoire. Qu'un village brûle, une ville, des gens, c'est courant dans l'histoire. Pourquoi cet événement où il ne s'est pas passé grand-chose, si ce n'est un feu de charpente globalement maîtrisé, et non pas un autre ? Le patrimoine, fut-il architectural, n'est pas immortel, et même si celui-ci est ancien et symbolique, la chose est fréquente et il n'y a pas de quoi en faire tout un foin, ou alors, si l'on tient à véritablement préserver ce patrimoine, idée que je pourrais éventuellement approuver, alors ne faisons pas de gorges-profondes aux promoteurs de politiques qui ont pour conséquences la mort dudit patrimoine. JJA est-il sénile ? Ou son génie le pousse-t-il à un tel niveau de cynisme que cela en serait quasiment sadique ? En prenant à son compte cet événement avant tout médiatique bien plus qu'historique, JJA ne fait que redonner du crédit à cette caste politicienne dont la politique conduit, in fine, à la destruction du patrimoine. Combien d'églises, si ce n'est plus belles, que celles de Notre Dame, ont brûlées ces dernières années ? Selon l'AFP, reprenant les chiffres d'un observatoire du patrimoine religieux, pour la période 2023, on en compte 27. De quoi alimenter le cinéma de JJA pendant de nombreuses années donc, et terrifier davantage de spectateurs.
Il y a pire encore hélas. C'est que le film a réveillé en moi est un réflexe de pur rejet. Je ne suis pas spécialement croyant, mais j'ai été élevé dans une sous-branche du protestantisme et peut-être que j'ai assimilé quelques réflexes de cette éducation religieuse. À la question, pourquoi Pinnault filme-t-il comme un américain ? Rien de plus logique, Annaud a une carrière internationale, et ce style international, international teinté d'américanisme on s'entend, pouvait déjà se retrouver dans ses œuvres et dans sa carrière. À un style plat qu'on aurait pu laisser passer, il faut néanmoins rajouter un message. Ce qui nous amène à la question suivante : « pourquoi filmer un non-événement ? ». Pour le symbole.
Petit détour : pourquoi les médias ont fait tout un cirque sur l'incendie de Notre-Dame ? En plus du marronnier, c'est le symbole d'une église attrape-touriste, située dans le cœur de Paris, où le pouvoir spirituel se mêle au pouvoir économique et politique. Notre Dame n'est pas une église, c'est un symbole. Mais le symbole de quoi, je vous le demande en bon protestant athée ?Symbole d'un catholicisme grossier, jouant de colifichets (putain ce foin avec cette couronne du Christ j'ai pleuré de rire tant j'étais gêné pour vous les cathos), jouant d'une symbolique religieuse nauséabonde. Tout cela ne fait qu'indiquer une survivance vivace d'un catholicisme (fut-il zombie comme le dirait Todd) adepte de faste, de reliques, et de merdes en plastiques et en toc. Réflexe de protestant vous dis-je, le film est idolâtre. Le film combine donc ce message idolâtre à son esthétique qui l'est tout autant. Et c'est gênant. Tout est bien qui finit bien parce qu'une gamine de 7 ans a allumé un cierge. Non de Dieu.
FUN FACT : Le saviez-vous ? Un grand adepte de feu, qui partage donc ce hobby avec JJA, organisant de beaux bûchers en utilisant des Michel Servet comme combustible, était Jean Calvin dans sa cité de Genève. Conclusion : c'est jamais bon signe quand un religieux s'approche d'une torche, c'est moi qui vous le dis. Mais ne me faites pas de faux procès les cathos, ne soyez pas comme ce Calvin, ce n'est pas le spirituel du film qui me gêne, au contraire ! Quelle meilleure manière de magnifier le cinéma que de le spiritualiser ? Non, ce qui me dérange et m'hérisse, c'est ce spirituel outrancier, ici, ce catholicisme rance (et Dieu sait qu'il a pu être beau dans son histoire) et propagandiste, tant pour une religion mortifère, que pour un pouvoir libéral, et tant encore pour un américanisme formel à peine voilé.
Le film questionne : Les Français ont-ils vraiment décapité le Roy pour imposer une République laïque ? La réponse du film : « non, point ».
Le film questionne davantage : JJA est-il sénile ? Ou est-il catholique ? À cette question on répondra sans hésiter qu'il a avalé le sceptre du pape comme un glouton (que fait la Manif pour tous ?). Par appât du gain ou par conviction ? L'homme des Panama Papers ne me permet de ne rien affirmer. Mais faire du grand spectacle, mal-joué, sur un catholicisme si plat et si niais, ça ne peut être que l'œuvre de Jean-Jacques Besson, JJB pour les intimes, c'est nul, inintéressant, insultant, dangereux, et cinématographiquement vide.
Le film interroge toujours : Jean-Jacques Annaud est-il sénile ? Non, et c'est bien triste pour lui.