Un propos intéressant se cache sous cette farce cynique et gentiment subversive qu’est un Paradis pour tous, à savoir la mise en scène d’une humanité dépourvue de son essence, le sentiment. Sans émotion, l’homme s’apparente à une machine qui ne vit que pour son propre intérêt, le sujet, en plus d’être intéressant, possède un certain potentiel, ce n’est pas pour rien qu’il nourrit depuis bien longtemps toute la littérature de science fiction qui s’intéresse à la problématique des robots. Le film d’Alain Jessua le dit d’ailleurs à demi-mot : « on ne peut en vouloir à une machine ».
Dommage qu’à la puissance thématique qui meut Paradis pour tous ne s’associe jamais le pouvoir d’une mise en scène qui pourrait le transcender. Alain Jessua fait le minimum mais peine souvent à tirer le meilleur de ses personnages, que ce soit par l’image ou sa direction d’acteurs. A part Dewaere qui reste fidèle à lui-même, d’un naturel à toute épreuve, il est difficile de se laisser convaincre par des seconds rôles en roue libre. Fanny Cottençon peine à maintenir la barre lorsqu’elle est censée jouer l’épouse borderline (les disputes avec sa mère sont assez loupées) et Dutronc se contente de se laisser porter sans mettre un coup de rame pour faire avancer le navire.
Cependant, l’originalité de l’entreprise fait que le sourire compense ses évidents défauts. Voir Dewaere en machine à récolter des assurés est plutôt délicieux même s’il est regrettable que le filon soit vite abandonné. Jessua préfère s’attarder sur la liberté sexuelle de sa nouvelle race d’humains pragmatiques plutôt que d’imaginer leur interaction avec leurs semblables pourvus d’un cœur en bon état de marche. C’est dommage parce que c’est probablement cette association qui construit les meilleures séquences du film.
Paradis pour tous est une découverte amusante à faire, qui fait office de divertissement stimulant. Mais il est fort probable que le traitement un peu trop superficiel de son pourtant très riche sujet le réduit à un one shot agréable qui ne méritera sans doute pas que l’on s’y attarde davantage.