Alexandre Aja a eu une bonne réputation assez rapidement après son premier film de genre (un Haute tension toujours resté une référence depuis), et a été carrément consacré depuis son mythique La Colline a des yeux, unanimement salué comme le remake le plus réussi de la décennie 2000 avec l'Halloween de Rob Zombie. Puis il est arrivé ça, qui a divisé tout le monde.


Aja sait dans quel registre il tape, puisqu’il avait déjà l’idée de faire un film avec des piranhas depuis La Colline a des yeux (Mirrors s’était fait en attendant de pouvoir développer le projet). Le premier script était, selon les dires d’Aja, plus incisif sur la culture américaine développée pendant les fêtes, mais les Weinstein, sentant là un frein pour le public cible, commanderont une aseptisation express par la surenchère débridée. Ceci aboutit donc assez logiquement sur un film qui fonde sa plus grande partie sur l'anatomie de ses figurantes plutôt que qu'à faire un mélange des genres, avec parfois tellement de lourdeur qu'on se dit que la complaisance va peut être un poil trop loin pour ne pas nourrir d'arrières pensées. C'est là que s'arrête les réflexions à avoir. On explose les quotas de débauche avec un mauvais goût gratuit qui racole ouvertement. Du sein à la pelle, du fessier au camion benne, la caméra mate littéralement tout ce qui se trémousse pour le simple prétexte de faire de la 3D pulpeuse (elle était dégueulasse en salle, torchée à la va vite et illisible). Un projet ultra-complaisant qui revient à une sexploitation assez sage (les filles nues verront toujours leur intimité préservée par un jeu d’ombre retouché en post-prod). Back in the eighties, mais en bien plus relâché qu’à l’époque (le registre pornographique vient en rajouter une nouvelle couche), en beaucoup plus mou aussi.


Ce qui est au final dommage dans Piranha, c'est que sa gestion de rythme est un peu chaotique, nous laissant dans un très long temps presque mort pendant son développement, qu'il tente de combler par une débauche de bonne facture et le cabotinage du réalisateur porno. Et les gosses. Il y a un problème aussi à ce niveau là, car leur présence ralentit considérablement le récit et ils sont totalement en dehors de l'horreur (ils sont d'ailleurs visiblement protégés par les codes cinématographiques de la censure des années 80). Pourquoi les avoir ressorti alors qu'ils incarnent davantage une frustration de leur époque qu'un argument horrifique ? Car il n'y a pas de second degré avec eux... Mais Aja essaye de le créer, ce second degré. Il en a besoin pour que ça passe, sinon on verrait qu'on se fait royalement chier (le second mort en pleine nuit, paresse totale). Alors, il y a ces gamins, ou ce black sorti des années 80 qui se suicide pour aller découper une cinquantaine de piranhas en s'enfonçant dans l'eau centimètre par centimètre sur fond de trompettes. Quelle mise en abîme pénétrante !


Question acteur, on ne s’éternisera pas sur la décontraction évidente dont l’ensemble du casting fait preuve, Elisabeth Sue se plaisant dans son rôle de femme énergique, Jerry O’Connel cabotinant comme une fou pour nous arracher quelques sourires, et les seconds couteaux (Dreyffus, Lloyd) cabotinant à qui veut bien les supporter (Dreyffus étant expédié si vite qu'on peut dire que c'est comme si il n'était pas là). Kelly Brook prend en revanche un sacré relief (3D oblige), et s’est créé une tripotée de fans en un temps records. Le jeu, globalement moyen (et démesurément exagéré) participe à l’ambiance globale de détente du projet. C'est d'ailleurs un effet projet X où tout le monde est appelé à participer aux festivités pendant la projection. En cela, le portrait de génération spring break n'est pas hors sujet, il en est d'ailleurs une représentation à peine fantasmée qui cherche la connivence. Affranchie de la censure des années 80, la production tend à réaliser ce à quoi aspiraient ses ancêtres, délivrer la formule complaisante sans contraintes. Mais le film veut aussi surfer sur le vintage et l'humour second degré. Il use donc de pas mal de cynisme (l'excès est davantage exploité que dénoncé) et mise davantage sur le sexe (facile à obtenir) plutôt que sur les effets spéciaux bis (un peu approximatifs). D'ailleurs, du massacre final (totalement débridé, on s'accorde pour le dire), que retient-on ? Essentiellement le coup de l'hélice de bateau et l'étudiante portée par deux sauveteurs, avec le court passage du stand flottant, gentiment amusant pour son jeu de mécanique des foules. Les meilleures moments ont finalement peu de rapport avec les piranhas en eux même. Quant à la scène de la bite, peut-on parler d'audace, même dans le mauvais goût ? (le combo rot-bite, quand même...).


Au final, malgré quelques petites dynamiques qui fonctionnent entre les personnages (la relation entre Josh et sa copine Kelly qui fonctionne gentiment), l'ensemble a quand même du mal à accrocher, sauvant in extremis les meubles avec un massacre tardif mais amusant. Le plaisir de retrouver Christopher Lloyd ne dure pas (tout juste n'ouvre-t-il pas la porte en hurlant 2.21 gigowatts !) et le spectateur de devoir prendre son mal en patience pour un final vite contre balancé par un ultime rebondissement d'une laideur évoquant immédiatement Sy Fy. Finalement décevant, le film a toutefois trouvé le moment de la légèreté (balancé pendant la période de rentrée, jouant sur la nostalgie de l'été) pour passer et raffler son demi million d'entrée, score suffisant pour la mise en branle d'une suite et de retrouver quand même, malgré la lourdeur, le plaisir coupable d'une série B bancale. L'original l'enterre, mais on peut laisser couler encore un peu.

Voracinéphile
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le 11 déc. 2015

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